Veille juridique novembre 2022

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation.

 

 

Modification du règlement de lotissement

Lotissement, règlement
Question écrite n° 01913 de M. Jean-Louis Masson.
M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur le cas où les propriétaires concernés se sont déclarés à l'unanimité favorables à la modification du règlement d'un lotissement notamment pour autoriser la construction de clôtures autour de chaque parcelle. Il lui demande si le maire peut s'y opposer.

Réponse du Ministère
Le règlement de lotissement est un document facultatif qui permet une adaptation des règles d'urbanisme dans le périmètre du lotissement. Ce règlement ne peut pas être moins prescriptif que le document d'urbanisme de la commune et permettre la réalisation de constructions dont le document d'urbanisme n'autoriserait pas les caractéristiques. Il est opposable aux autorisations d'urbanisme déposées dans le périmètre du lotissement, qui doivent donc respecter à la fois le document d'urbanisme en vigueur et le règlement de lotissement.
Une modification du règlement d'urbanisme est possible à l'initiative du maire ou des colotis. L'article L. 442-10 du Code de l'urbanisme prévoit qu'une demande de modification des documents du lotissement, dont le règlement, émanant des colotis doit être soumise au maire pour approbation.
Le maire n'est pas obligé de faire droit à cette demande de modification émanant d'une majorité de colotis dans les conditions fixées par l'article L. 442-10 du Code de l'urbanisme. Son éventuel refus devra toutefois être motivé par des raisons juridiques, par exemple car la modification serait incompatible avec la règlementation d'urbanisme en vigueur, ou encore pour un motif d'intérêt général en lien avec l'urbanisme. Ces motifs sont susceptibles d'être critiqués devant le juge.

Réponse du Ministère, JO Sénat du 03 nov. 2022

Salle de sport et ensoleillement : faute de l’architecte dans la direction des travaux

Responsabilité, marchés de travaux
Une commune a souhaité s’équiper d’une salle polyvalente à dominante sportive et a confié la maîtrise d’œuvre de ce projet de construction à un architecte. Le projet comprenait notamment la pose d’un dôme de lumière en toiture. Mais lors de la réception des travaux, des réserves ont été prononcées, dont une relative à l’ensoleillement, le dôme provoquant un éblouissement et empêchant ainsi toute activité sportive.
La commune demande donc au Tribunal Administratif (TA) de condamner solidairement l’architecte et la société chargée de la couverture à la dédommager des désordres subis.
Sauf qu’en cours de chantier, la société avait proposé, avec l’accord du maître d’œuvre, de remplacer le matériau préconisé dans le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) pour la pose du dôme par un produit opalin en raison d’un risque d’éblouissement trop important de la salle de sport en période d’ensoleillement. Mais un autre matériau avait finalement été posé par la société, dont l’indice de transmission de lumière de 60 % ne permet pas de réduire l’éblouissement dans la salle.
Le juge souligne aussi que l’architecte qui est, aux termes de l’article 1.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché de maîtrise d’œuvre, titulaire notamment d’une mission de direction de l’exécution des travaux et doit à ce titre s’assurer que l’ouvrage en construction respecte les préconisations contractuelles et les études effectuées, n’a pas remarqué que la société avait finalement posé des plaques transparentes autres que celles qui avaient fait l’objet de son accord.

Pour le juge, l’architecte a alors commis à la fois une faute de conception et une faute dans la direction des travaux en méconnaissance de ses obligations contractuelles, qui ont directement contribué à la survenance du désordre.
En raison de cette double faute, la part de responsabilité de l’architecte dans la survenance des désordres
est fixée à 70 % et celle de la société à 30 %.

CAA de Douai, 2 nov. 2022, req. n°20DA01970   

Annulation d'un sursis à statuer : le juge doit examiner tous les motifs de la décision

Autorisation d’urbanisme, sursis à statuer, jugement
Le juge d'appel ne peut remettre en cause un sursis à statuer visant à préserver le futur PLU sans examiner la légalité de tous les motifs opposés à la demande de permis.
Un maire fait usage du sursis à statuer sur une demande de PC un immeuble de 9 logements, aux motifs que le projet est de nature à compromettre les objectifs du futur PLU, d'une part, en matière de création de logements sociaux, d'autre part, de préservation d'une zone humide.
Le pétitionnaire en demande l'annulation devant le juge de première instance, qui censure le premier motif du sursis, estimant que compte tenu de sa faible ampleur, le projet n'est pas à lui seul de nature à compromettre les objectifs du futur PLU en matière de logements sociaux. Mais il valide en revanche le deuxième motif de sursis concernant la préservation des zones humides, précisant que le maire aurait pris la même décision sur la base de ce seul motif.

En appel, la cour annule le jugement ainsi que la décision de sursis, considérant que le caractère humide des parcelles en cause n'est pas établi. Elle ne s’est donc contenté d’examiner que le second motif du sursis à statuer sans se prononcer sur la légalité du premier relatif à la création de logements sociaux. Pour le Conseil d’Etat, il s’agit d’une erreur de droit. Il précise qu'il « appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation ».
L'arrêt d'appel est donc annulé et l'affaire renvoyée devant la Cour Administrative d'Appel de Versailles.

Conseil d'Etat, 7 nov. 2022, n° 455195

La validité d'une zone A du PLU ne peut être remise en cause
par l'usage éventuel des pesticides sur les terrains concernés

Plan Local d’Urbanisme, zone agricole
Deux décisions d'appel refusent d'établir un lien entre le zonage du PLU et les pratiques agricoles exercées sur les terrains classés.
Dans le jugement bordelais, les requérants contestaient la légalité du classement de leurs terrains en zone agricole au regard de leur contiguïté avec les berges de la Dordogne identifiées site Natura 2000 et devant bénéficier d’une protection renforcée, en application de la directive européenne « Habitat ». Ils invoquaient donc à la fois un vice de procédure lié à l’absence d’évaluation particulière d’un tel zonage pour le site et l’erreur manifeste de classement agricole en contradiction avec la logique de conservation.
Leur analyse était la suivante : c’est parce que le zonage agricole allait permettre l’usage de produits phytopharmaceutiques que l’intégrité du site Natura 2000 était menacée par le nouveau document de planification urbaine.
La CAA a rejeté cette analyse en affirmant qu’un zonage agricole ne préjuge pas, en tant que tel, des pratiques culturales qui seront mises en œuvre sur les parcelles intégrées à la zone, ce classement autorisant seulement des constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole.
Dès lors, les requérants n’ayant pas démontré en quoi ces constructions pourraient affecter de façon significative le site Natura 2000, l’évaluation particulière du zonage au titre l’article R. 414-23 du Code de l’environnement n’était pas requise et les auteurs du PLU n’avaient pas non plus commis d’erreur en termes de qualification juridique des faits. Les juges bordelais ont d’ailleurs conforté leur raisonnement en faisant valoir le potentiel agricole des parcelles objets du litige et la cohérence du classement avec le projet de territoire exprimé par le PADD du PLU qui mettait l’accent sur la « protection des unités agricoles actives et la préservation des secteurs à potentiel agricole important ».

Dans le jugement marseillais, une solution identique a été retenue à propos du classement en zone agricole de cinq parcelles plantées de vignes d’une superficie totale de 8 000 m².
Le zonage était, cette fois, contesté au regard de sa proximité avec des terrains inclus en zone urbaine ou à urbaniser. Le voisinage d’habitations implantées dans ces secteurs allait, selon la requérante, susciter des restrictions en termes d’usage de produits de traitement des vignes afin de respecter les distances d’épandage : « l’impossibilité de sulfater » induite par la protection des riverains contre les dérives des produits aurait dû conduire les auteurs du PLU à exclure le zonage agricole.
La cour dénie, là encore, toute pertinence à l’argument qui « n’est pas de nature à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation du classement en zone agricole » et ce d’autant moins que les critères de classement posés par l’article R. 151-22 du Code de l’urbanisme, en termes de potentiel agronomique, sont à l’évidence satisfaits.
Face à l’opiniâtreté des requérants qui n’avaient pas hésité à faire appel malgré des échecs en première instance, les solutions retenues étaient attendues : l’une des premières dispositions du code de l’urbanisme affirme, en effet, l’inopposabilité de la réglementation de l’urbanisme aux productions agricoles. Par voie de conséquence, le zonage retenu par le PLU ne peut pas être déterminé par des pratiques culturales. Réciproquement, le document de planification urbaine n’est pas non plus en mesure de réglementer les pratiques agricoles sous peine de sortir des limites de l’habilitation conférée par le code et de faire concurrence aux législations, notamment environnementales, opposables aux exploitants.

CAA Marseille, 19 avr. 2022, n° 20MA03091

Précisions sur les constructions portant
sur une dépendance du domaine public

Autorisation d’urbanisme, domaine public
La circonstance que des balcons prévus au projet n'entravent pas l'affectation au public de la voie publique qu'ils surplombent ne dispense pas le pétitionnaire de joindre à sa demande de permis l'accord du gestionnaire du domaine.
Dans le premier arrêt, il était question d'un projet d'immeuble collectif comportant des balcons surplombant la voie publique.
Dans cette affaire, les requérants faisaient valoir que le PC avait été délivré en violation de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme, qui prévoit l'obligation faite au pétitionnaire dont le projet « porte sur une dépendance du domaine public », de joindre à sa demande de PC une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire.
Pour écarter ce moyen, le tribunal s'était fondé sur la circonstance que les balcons surplombant le domaine public n'avaient pas pour effet de compromettre l'affectation au public du trottoir et n'excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l'élévation par rapport au sol, le droit d'usage appartenant à tous. Cette question récurrente des balcons et autres saillies a pu donner lieu, chez les juges du fond, à une interprétation restrictive de l'article R. 431-13, selon laquelle l'accord du gestionnaire ne serait requis qu'en cas d'entrave à l'affectation au public du domaine concerné.

Mais le Conseil d’Etat confirme que cette obligation s'étend également aux projets de construction comprenant des éléments en surplomb du domaine public, comme l'indique d'ailleurs le Cerfa des demandes d'autorisation. Le tribunal a donc commis une erreur de droit : il lui appartenait de s'assurer que le dossier de demande comportait la pièce requise par le Code de l'urbanisme et non vérifier que ce projet pouvait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique.

La seconde décision du Conseil d'État concerne la qualité ou non des pétitionnaires pour déposer une demande de PC incluant des aménagements sur le domaine public, en vertu de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme. Il s’agissait d'un recours contre un PC qui autorisait une opération immobilière impliquant l'aménagement de places de stationnement et l'implantation de conteneurs sur la voie publique.
Les juges du Tribunal Administratif avaient considéré que les sociétés pétitionnaires n'avaient pas qualité pour déposer la demande de PC et que donc la commune ne pouvait ignorer qu'en l'absence de déclassement et de vente de la parcelle, ces sociétés ne disposaient d'aucun droit sur le domaine public communal leur permettant d'inclure ces aménagements dans leur projet.
Mais le Conseil d'État censure ce jugement pour erreur de droit. En effet, à défaut de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle, il incombait uniquement au tribunal de rechercher si le dossier joint à la demande comportait l'accord du gestionnaire quant à l'engagement d'une procédure d'autorisation d'occupation du domaine public, requis au titre de l'article R. 431-13 du Code de l'urbanisme.

Conseil d'Etat, 23 nov. 2022, n° 450008  Conseil d'Etat, 23 nov. 2022, n° 449443

 

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