Veille juridique mars 2020

Chaque mois, notre juriste-conseiller réalise une veille juridique sur les modifications des lois impactant nos domaines de compétences (urbanisme, architecture, environnement, habitat, etc.).

 

 

 

L’atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants doit être une atteinte visible

Le Conseil d’Etat précise dans cet arrêt qu’un Permis de Construire (PC) peut être refusé, sur le fondement de l’article R.111-27 du Code de l’urbanisme, lorsque le projet porte une atteinte visible aux lieux avoisinants.
Dans cette affaire, le maire de la commune de L. (Rhône) a délivré à une société un PC en vue de l’édification d’un immeuble collectif de 39 logements. Saisi d’un recours en annulation, le Tribunal Administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 25 juillet 2017. La société bénéficiaire et la commune de L. se pourvoient alors en cassation contre ce jugement du 29 novembre 2018. Rappel du R.111-27 du Code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ».
Le Conseil d’Etat souligne qu’un projet peut, sur le fondement de ces dispositions, être refusé ou accepté uniquement s’il est assorti de réserves lorsqu’il porte, par ses caractéristiques et aspect extérieur, une atteinte visible à son environnement naturel ou urbain.
Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que la perte d’ensoleillement conduisant à l’altération des conditions de fonctionnement du bâtiment voisin ne constitue pas une atteinte susceptible de justifier un refus de Permis de Construire sur le fondement de l’article

R. 111-27 du Code de l’urbanisme.  Cf. Conseil d’Etat du 13 mars 2020, n° 427408   

Indemnisation suite à un refus illégal de Permis de Construire

Lorsque le maire refuse un Permis de Construire (PC) pour des motifs illégaux, il engage la responsabilité de la commune, qui ne se verra cependant pas forcément condamnée à indemniser le pétitionnaire pour le préjudice qu’il estime avoir subi du fait de ce refus.   
Dans cette affaire, une société avait présenté une demande de PC quatre villas individuelles sur un terrain de la commune d'Aix-en-Provence. Le maire de la commune a refusé le PC mais cette décision de refus a été annulée par le Tribunal Administratif de Marseille. La société a demandé au Tribunal Administratif de condamner la commune d'Aix-en-Provence à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi en lui refusant illégalement un PC.
La Cour d’Appel considère qu’il est indiscutable qu’en refusant le PC, la commune a commis une illégalité, donc une faute. Mais cette faute ne sera susceptible d’engager sa responsabilité et, par conséquent, l’obligation de réparer pécuniairement le préjudice subi par la société que si le lien de causalité entre la faute de la commune et le préjudice subi par la société est prouvé. En l’espèce, comme le permis ne respectait pas la règle selon laquelle le terrain devait conserver une zone protégée représentant au minimum les 2/3 du terrain, la cour a jugé que le maire de la commune d'Aix-en-Provence aurait pu légalement refuser ce Permis de Construire, non pas en raison des motifs qu’il avait retenu et qui ont été censurés par le Tribunal Administratif mais en raison de la méconnaissance de cette règle des 2/3.
En résumé, la cour considère que si le PC refusé pour des motifs illégaux, aurait de toute façon pu l’être pour un motif légal, la commune n'est pas condamnée à indemniser le pétitionnaire qui estime avoir subi un préjudice du fait du refus illégal.

Cf. CAA 19 mars 2020, n°18MA01660 SARL FM développement  

Le SCoT peut justifier l’extension de l’urbanisation d’espaces proches du rivage

L’urbanisation de secteurs situés à proximité des rivages est régie par des dispositions spécifiques issues de la loi « Littoral » et désormais codifiées aux articles L.121-1 et s. du Code de l’urbanisme. Parmi ces dispositions figurent celles posées par l’article L.121-13 du Code de l’urbanisme selon lesquelles « l’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L.321-2 du Code de l’environnement est justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer ». En principe, l’extension de l’urbanisation d’un espace proche du rivage n’est donc envisageable que si elle est, d’une part, limitée, et, d’autre part, si elle est justifiée par le PLU.
Le Conseil d’Etat vient de préciser que lorsqu’un SCoT contenait des éléments suffisamment précis (et respectueux bien sur des grandes orientations de la loi Littoral) permettant d’apprécier l’extension de l’urbanisation d’un espace proche du rivage, c’est ce document qui devait être pris en compte pour déterminer si un projet de construction pouvait ou non être autorisé. Ce raisonnement a ainsi permis de valider le Permis de Construire autorisant la construction à proximité de la côte de plusieurs bâtiments abritant près de 350 logements, des villas et des locaux d’activités, dès lors que le SCoT applicable permet l’extension de l’urbanisation et ce « de manière significative » dans le secteur d’implantation du projet.  

Cf. CE, 11 mars 2020, Comité de défense des intérêts locaux de Balaguier et autres, req., n° 419861  

La signature de complaisance de l’architecte dans un Permis de Construire (PC)

Un maire a délivré un premier PC portant sur la modification de l’aspect extérieur et le changement de destination d’une partie d’un immeuble, d’une surface totale de 240 m2. Le maire a ensuite retiré ce PC car le pétitionnaire avait méconnu l’obligation de recourir à un architecte pour établir son projet architectural. Ce dernier a donc déposé une nouvelle demande de PC, qui lui a été délivré. Le conseil régional de l’ordre des architectes a demandé au juge l’annulation de l’arrêté par lequel le maire a délivré ce PC au motif que la signature de l’architecte apposée dans le dossier est une signature de complaisance.
Mais le juge conteste cette position. Il relève que dans la deuxième demande de permis, la rubrique « architecte » est complétée, et que si cette demande comporte les mêmes plans et pièces que le premier dossier de demande, ceux-ci ont tous été complétés par l’apposition de la signature de l’architecte. Le juge estime qu’aucun élément versé au dossier ne permet d’établir que cet architecte n’aurait pas procédé à l’examen du projet du pétitionnaire et qu’il ne se le serait pas approprié. Le fait que le dossier de demande, déposé à titre de régularisation pour des travaux déjà exécutés, porte sur le même projet ne suffit pas faire regarder l’architecte comme ayant nécessairement apposé une signature de complaisance.
En conséquence, les moyens avancés par le conseil de l’ordre des architectes sur la signature de complaisance de l’architecte doivent être écartés. L’arrêté délivrant le Permis de Construire est donc confirmé.  

Cf. CAA de Nantes, 26 novembre 2019, req. n° 18NT04539.  

 

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