Veille juridique juin 2020

Chaque mois, notre juriste-conseiller réalise une veille juridique sur les modifications des lois impactant nos domaines de compétences (urbanisme, architecture, environnement, habitat, etc.).       

 

 

Prescription du Permis de Construire (PC) relative à la création d'une servitude de passage

Le Conseil d'État s’est récemment penché sur la légalité d'un PC autorisant la réalisation d'un ensemble immobilier sur un terrain ne disposant d'aucun accès à une voie ouverte à la circulation publique, un tel accès devant être créé sur des parcelles appartenant à des tiers.
L'autorisation litigieuse comporte, en son article 3, la prescription suivante : « le présent arrêté est conditionné à la production, par le bénéficiaire, de l'acte authentique de servitude de passage au plus tard à la date d'ouverture du chantier ». L'acte avait été annulé par le Tribunal pour méconnaissance des dispositions fixées par le PLU en matière d'accès et de desserte, la condition dont était assorti le permis ne pouvant pallier l'absence de titre valant servitude à la date de sa délivrance.
En l'espèce, le Conseil d'État considère que la réserve qui accompagne le permis litigieux est de nature à couvrir l'absence de titre à la date de sa délivrance, dès lors que la création d'une servitude de passage entraîne seulement une modification portant sur un point précis et limité qui ne nécessite pas la présentation d'un nouveau projet.

En conclusion, un PC peut être légalement accordé sous condition de la production, par le bénéficiaire, de l'acte authentique de servitude de passage au plus tard au dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier.

Cf. CE, 3 juin 2020, n° 427781

Marchés de conception-réalisation : pas d’intérêt à agir pour l'Ordre des architectes

Par trois actions en justice, le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes des Pays de la Loire a dénoncé le recours aux marchés de conception-réalisation. En l’espèce, il avait saisi le Tribunal Administratif (TA) de Nantes pour demander l’annulation de trois marchés de conception-réalisation lancés par le département de la Loire-Atlantique pour la construction de collèges. Rejetée par le tribunal, ses demandes avaient abouti auprès de la cour administrative d’appel de Nantes. Le département a alors saisi le Conseil d’Etat de pourvois en cassation.
L’ordre régional des architectes estimait, en vertu de l’article 26 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, qu’il était recevable à attaquer la validité de ces contrats.
Cet article dispose en effet que « le conseil national et le conseil régional de l'ordre des architectes concourent à la représentation de la profession auprès des pouvoirs publics. Ils ont qualité pour agir en justice en vue notamment de la protection du titre d'architecte et du respect des droits conférés et des obligations imposées aux architectes par les lois et règlements. »
Toutefois, le Conseil d’Etat a estimé que l’ordre régional des architectes n’était pas, aux termes de sa jurisprudence « Département de Tarn-et-Garonne » de 2014, un tiers susceptible de contester la validité et de demander l’annulation de ces contrats.
Les juges de cassation ont effectivement indiqué à propos des ordres des architectes que « la seule passation, par une collectivité territoriale, d’un marché public conférant à un opérateur économique déterminé une mission portant à la fois sur l’établissement d’études et l’exécution de travaux ne saurait être regardée comme susceptible de léser de façon suffisamment directe et certaines les intérêts collectifs dont ils ont la charge ».
Les arrêts d’appel ont été annulés et les requêtes de l’ordre ont été rejetées. Le Conseil d’Etat ferme donc la porte aux représentants des architectes pour contester la validité de marchés de conception-réalisation.

Cf. CE, 3 juin 2020, n°426932, n°426933 et n°426938

La covisibilité d'un monument est d'abord une question de point de vue

En l’espèce, une association de riverains avait saisi le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un PC. A l’appui de sa demande, elle soutenait que le projet d’immeuble collectif, situé à proximité d'une église classée monument historique et visible en même temps que celle-ci, relevait du régime de protection au titre des abords et qu’il devait, par conséquent, être soumis à l’accord préalable de l’ABF.
Le Conseil d’État rejette ce moyen et apporte d’importantes précisions quant aux modalités d’application du critère de covisibilité.
Il souligne ainsi qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose que le point de vue à partir duquel le monument et l’immeuble en projet pourraient être visibles simultanément soit situé à moins de 500 mètres dudit monument.
Cet emplacement peut très bien être situé au-delà de cette limite, à partir du moment où il est ouvert au public. Toutefois, afin de ne pas étendre démesurément le champ de visibilité des immeubles protégés, les Sages du Palais Royal précisent que seules les constatations pouvant être effectuées à l’œil nu sont recevables. Dans la présente affaire, l’existence d’une covisibilité ayant été révélée par l’utilisation d’un appareil photographique muni d’un objectif à fort grossissement, elle n’a pas pour effet de soumettre le projet au régime de protection des abords.

En conclusion, un immeuble est protégé au titre des abords lorsqu'il est visible à l'œil nu depuis un monument ou en même temps que lui depuis tout lieu normalement accessible au public.

Cf. CE, 5 juin 2020, n°431994

Un PC peut être régularisé en cours d’instance par l’évolution de la règle d’urbanisme

Il faut distinguer les illégalités qui affectent la procédure de délivrance du permis de celles qui portent sur le fond et qui permettent de vérifier la faisabilité du projet par rapport aux règles d’urbanisme applicables, dont le PLU.
Pour les premières, lorsqu’il a donné un délai aux parties pour régulariser un vice de procédure identifié en cours d’instance, le juge doit se référer aux règles applicables à la date du permis pour vérifier si, ultérieurement, celui-ci a été régularisé.
Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision litigieuse, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date.
En revanche, pour les règles portant sur le fond du projet, l’appréciation de la régularisation du permis doit être effectuée en fonction des règles applicables à la date à laquelle le juge effectue cette analyse.
S’agissant des vices entachant le bien-fondé du permis de construire, le juge doit se prononcer sur leur caractère régularisable au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue et constater, le cas échéant, qu’au regard de ces dispositions le permis ne présente plus les vices dont il était entaché à la date de son édiction.
En conséquence, si une illégalité existante à la date du permis a disparu – notamment du fait de la modification de la règle d’urbanisme – le jour où le juge se prononce, ce dernier doit considérer que ladite illégalité a été régularisée par l’évolution de la règle
En conclusion, un PC attaqué peut donc être régularisé en cours d’instance de deux manières :

  • - en modifiant le projet pour le rendre conforme à la règle d’urbanisme applicable,
  • - en modifiant la règle d’urbanisme d’une façon telle qu’elle fait disparaitre l’illégalité initiale qui entachait le permis.
Cf. CE, 3 juin 2020, Société Alexandra, req., n° 420736

Classement en zone agricole du PLU et potentiel agronomique, biologique ou économique du secteur

Deux sociétés demandent au maire l'annulation partielle du PLU en tant qu'il classe en zone A des parcelles sur lesquelles elles souhaitent développer des activités de collecte et de valorisation des déchets. Face au refus du maire, l'affaire est portée devant le juge administratif qui, en première instance comme en appel, rejette la demande d'annulation de cette décision. Les requérants se pourvoient alors en cassation.
L'occasion pour le Conseil d'Etat de préciser, les critères de classement des parcelles en zone agricole du PLU.
Aux termes de l'article R. 151-22 du Code de l'urbanisme, peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
Pour autant, il n'est pas nécessaire que tous les terrains classés en zone A disposent, par leurs caractéristiques propres, d'un tel potentiel. En effet, le Conseil d'Etat apprécie le caractère agricole au regard, d'une part, de la vocation du secteur en cause (et non de la parcelle), d'autre part, de la cohérence du classement avec les orientations générales et les objectifs du PADD.
La cour d'appel n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en validant le classement contesté en zone A de cinq parcelles, dont l'une est artificialisée en quasi-totalité (présence d'une dalle d'entreposage de bennes à déchets) et deux autres comportent des constructions qui ne sont pas à usage agricole. Le Conseil d'Etat relève que ces parcelles sont situées en dehors des parties urbanisées de la commune, dans une zone très majoritairement agricole, et qu'elles disposent d'un potentiel économique en lien avec l'activité agricole.

Une commune peut classer en zone agricole, en cohérence avec les orientations du PADD, des terrains partiellement artificialisés, historiquement affectés à un usage industriel.

Cf. CE, 3 juin 2020, n° 429515

Les ordonnances sur les SCoT et la hiérarchie des normes sont publiées

Le contenu du SCoT largement revu
L'article 3 de l'ordonnance prévoit la suppression du rapport de présentation et renvoie en annexe ses principales composantes : le diagnostic, l'évaluation environnementale, la justification des choix, ainsi que l'analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et la justification des objectifs chiffrés de limitation de cette consommation. La justification de l'articulation avec les documents de rang supérieur est supprimée.
Le Projet d'Aménagement stratégique remplace le projet d'aménagement et de Développement Durables (PADD) et devient la première pièce du schéma. Le Document d’Orientation et d'Objectifs (DOO) est quant à lui simplifié, avec cinq sous-sections au lieu de onze auparavant, dans le sens d'une plus grande cohérence entre les thèmes traités.
L'article 5 fait évoluer le périmètre du SCoT au bassin d'emploi au lieu du bassin de vie et, en renforçant la prise en compte des déplacements, par l'intégration des bassins de mobilité. Il prévoit qu'un débat sur le périmètre ait lieu lors du bilan à six ans du schéma, lorsque ce périmètre coïncide avec celui d'un PLUi.
L'article 6 permet au projet d'aménagement stratégique de tenir lieu de projet de territoire pour un pôle d'équilibre territorial et rural.
Enfin, l'article 7 prévoit l'application de l'ordonnance au 1er avril 2021 et des mesures transitoires pour les schémas en cours d'élaboration ou de révision, avec la possibilité, pour les collectivités qui le souhaiteraient, d'opter pour la révision ou l'élaboration d'un SCoT sous le nouveau format, sans attendre l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance.

Nouvelles règles en matière de mise en compatibilité des documents d'urbanisme
Le rôle du SCoT comme document intégrateur de toutes les politiques sectorielles ayant un rôle en urbanisme est réaffirmé. Désormais, si un territoire est couvert par un SCoT, c'est ce SCoT qui doit être compatible avec les différents documents sectoriels.
Lors de son élaboration, le PLU devra quant à lui uniquement examiner sa compatibilité avec le SCoT et non plus avec tous les autres documents.
De plus, quatre documents ne seront désormais plus opposables aux SCoT, PLUi et cartes communales.
En outre, les liens juridiques entre les documents sectoriels et les documents d'urbanisme sont uniformisés. Tous les liens de prise en compte sont remplacés par des liens de compatibilité. Le lien de prise en compte est exclusivement maintenu pour les objectifs du rapport du Sraddet et pour les programmes d'équipement.
En fonction des documents sectoriels, les délais pour mettre en compatibilité les documents d'urbanisme pouvaient être différents et imposaient de lancer de multiples procédures en peu de temps. La logique est désormais inversée, souligne le rapport. Tous les 3 ans, les collectivités auront à vérifier si de nouveaux documents sectoriels sont entrés en vigueur et adapteront en une seule fois leur document d'urbanisme pour prendre en compte tous les nouveaux documents sectoriels ou ceux qui ont évolué. Cette procédure de mise en compatibilité pourra s'opérer par modification simplifiée. Le temps que cette mise en compatibilité se fasse, le document d'urbanisme ne sera exposé à aucun contentieux qui résulterait de sa non mise en compatibilité.
Par exception, le délai de mise en compatibilité d'un PLU avec un SCoT est d'un an.

Cf. ordonnance n° 2020-744 du 17 juin 2020 relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale, et ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d'urbanisme, J.O. du 18 juin 2020

Télécharger la veille juridique de juin 2020

 

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