Veille juridique automne 2020

Chaque mois (hors Covid), notre juriste-conseiller réalise une veille juridique sur les modifications des lois impactant nos domaines de compétences (urbanisme, architecture, environnement, habitat, etc.). Cet automne, des éoliennes, des travax en copropriétés ou encore la réglementation d'un PLU sont à « l'honneur ».

 

 


Travaux en copropriété : l’absence d’autorisation de l’assemblée générale ne fragilise pas le Permis de Construire (PC)

Le Conseil d’Etat vient de préciser qu’un PC autorisant l’exécution de travaux par un copropriétaire n’est pas entaché de fraude, alors même que le pétitionnaire n’a pas obtenu l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pourtant requise par son projet. Il en profite d’ailleurs pour rappeler qu’un PC n’est là que pour sanctionner le respect de la réglementation d’urbanisme et d’elle seule et qu’en conséquence, il ne peut être reproché au pétitionnaire de ne pas avoir obtenu l’autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires dans un recours dirigé contre un PC.

En conclusion, même s’il n’a pas obtenu l’autorisation de l’Assemblée Générale des copropriétaires requise pour réaliser son projet, un copropriétaire peut demander et obtenir valablement un Permis de Construire dès lors qu’il aura attesté auprès de l’administration détenir les droits à construire correspondants.
Mais même si le PC ainsi obtenu est parfaitement légal, la réalisation de son projet pourra toujours être contestée devant les tribunaux judiciaires au motif que les règles spécifiques de la copropriété n’ont pas été respectées.

Cf. CE, 23 octobre 2020, Ville de Paris, req., n° 425457

Les éoliennes ne constituent pas un trouble anormal de voisinage, malgré une décote

Des requérants ont assigné une société en réparation des préjudices occasionnés par l’installation, à proximité des résidences secondaires dont ils sont propriétaires, d’éoliennes générant, selon eux, des troubles anormaux du voisinage.

Mais le juge a décidé qu’ils ne justifiaient pas d’un trouble anormal du voisinage. Voici ses arguments. En se fondant sur les rapports d’expertise, ainsi qu’un constat d’huissier de justice, il a été constaté que le volume des émissions sonores générées par les éoliennes, de nouvelle génération, était, de jour comme de nuit, inférieur aux seuils prévus par la réglementation en vigueur et que le bois situé entre les propriétés et le parc éolien, installé à distance réglementaire des habitations, formait un écran sonore et visuel réduisant les nuisances occasionnées aux habitants d’un hameau, certes élégant et paisible, mais situé dans un paysage rural ordinaire.

De surcroit, le juge a rappelé que nul n’a un droit acquis à la conservation de son environnement et que le trouble du voisinage s’apprécie en fonction des droits respectifs des parties. Dans ce cadre, le juge a estimé que la dépréciation des propriétés concernées, évaluée par expertise à 10 ou 20 %, selon le cas, dans un contexte de morosité du marché local de l’immobilier, ne dépassait pas, par sa gravité, les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne.

Cf. Cour de cassation, 17 septembre 2020, req. n°19-16937

Le règlement d’un PLU peut-il imposer des matériaux spécifiques ?

Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : « Le règlement peut déterminer des règles concernant l’aspect extérieur des constructions neuves, rénovées ou réhabilitées, leurs dimensions, leurs conditions d’alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l’aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des constructions dans le milieu environnant. »

Les règles auxquelles les constructions et les clôtures peuvent être soumises dans le PLU concernent donc les caractéristiques formelles de chaque élément architectural, tel que les toitures, les ouvertures ou les ouvrages en saillie, ainsi que les règles d’aspect extérieur contribuant à la qualité de leur insertion dans le milieu environnant, telles que les couleurs de ces éléments architecturaux.
Cependant, la loi n’autorise pas les PLU à prescrire ou interdire l’emploi de certains matériaux, de telles exigences se justifiant et étant autorisées uniquement dans les secteurs faisant l’objet d’une protection particulière, tels que les sites patrimoniaux remarquables. En dehors de ces secteurs, seul l’aspect du revêtement de la construction pourra être réglementé sans pouvoir strictement interdire un matériau ou son imitation.

Cf. Question écrite de Christine Herzog, n°16696, JO du Sénat du 9 juillet.

L’affichage incomplet du Permis de Construire (PC) n’empêche pas forcément le délai de recours des tiers de courir

Depuis le célèbre arrêt « Danthony » du Conseil d’Etat, on sait que tout vice de forme entachant une décision administrative n’aboutit pas nécessairement à son annulation en cas de recours introduit devant le juge administratif.

Une décision rendue le 16 octobre dernier illustre une nouvelle fois cette tendance dans le contentieux des autorisations d’urbanisme et, plus particulièrement, sur la question relative à la validité de l’affichage d’un PC sur le terrain. Pour rappel, l’article R. 600-2 du Code de l’urbanisme prévoit que le délai de deux mois dont disposent les tiers pour contester une autorisation d’urbanisme ne peut commencer à courir que si un affichage de celle-ci a été effectué sur le terrain. Pour pouvoir produire ces effets, cet affichage doit être effectué selon les modalités décrites à l’article R. 424-15 du Code de l’urbanisme ainsi qu’en respectant les dispositions de l’article A. 424-16 qui précise les informations qui doivent figurer sur le panneau affiché sur le terrain. Parmi ces informations, l’adresse de la mairie où les tiers pourront consulter le dossier doit impérativement figurer sur le panneau.

A la lecture de ces différentes dispositions, on pourrait croire que le panneau qui ne précise pas l’adresse où le dossier peut être consulté est incomplet et qu’ainsi cette lacune s’oppose au déclenchement du délai de recours des tiers. Mais le Conseil d’Etat vient d’en décider autrement en considérant que la seule indication selon laquelle le dossier peut être consulté en mairie procure une information suffisante des tiers.

A l’instar de ce qui est déjà appliqué pour les vices de formes entachant une décision administrative, l’absence d’une information pourtant obligatoire sur un panneau d’affichage d’un permis n’aura donc une incidence procédurale que si cette lacune a eu des effets notables pour les tiers concernés. Si ce n’est pas le cas, le vice de forme sera neutralisé car il sera privé de toute conséquence juridique.

Cf. CE, 16 octobre 2020, Société Chemin de Trabacchina SAS, req., n° 429357

Une commune veut construire des parkings dans des espaces protégés du littoral

Un conseil municipal a approuvé par délibération son Plan Local d’Urbanisme (PLU) et une association a saisi le Tribunal Administratif (TA), qui l’a annulée : le PLU créait deux emplacements réservés destinés à accueillir des aires de stationnement dans la bande littorale des cent mètres. La commune se pourvoit contre l’arrêt par lequel la Cour Administrative d’Appel a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.

Le juge rappelle qu’en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage. Ici, les emplacements réservés litigieux, occupant des terrains dépourvus de toute construction, étaient voisins de parcelles qui supportaient des constructions. Mais leur nombre et leur densité ne confèrent pas au voisinage immédiat le caractère d’espace urbanisé. De plus, les aires de stationnement devraient être regardées comme des installations. Par conséquent, la création de ces emplacements n’est pas compatible avec la bande littorale des cent mètres.
De même, dans les espaces remarquables, des aménagements légers peuvent être autorisés, parmi lesquels « les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu’il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement, à condition que ces aires ne soient ni cimentées ni bitumées et qu’aucune autre implantation ne soit possible ». Mais pour le Conseil d’Etat, les emplacements réservés en litige, qui ont une surface respective de 6 606 et 2 529 mètres carrés, permettent de réaliser des aires de stationnement importantes. De plus, ils couvrent les plus grandes parties d’espaces remarquables du littoral et y portent donc atteinte.

Cf. Conseil d'État, 30 septembre 2020, req. n°428319

Les lotissements aussi doivent respecter les règles d’occupation des sols

Une société civile immobilière a déposé une Déclaration Préalable (DP) en vue de diviser un terrain en deux lots à bâtir, mais le maire y a opposé un sursis à statuer. La commune relève appel du jugement par lequel le Tribunal Administratif a annulé cet arrêté, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux.

Le juge rappelle que les lotissements doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols édictées par le Code de l’urbanisme ou les documents locaux d’urbanisme, même s’ils n’ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n’existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière.
Il appartient, en conséquence, à l’autorité compétente de refuser le permis d’aménager ou de s’opposer à la DP notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques, un projet de lotissement permet l’implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d’urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d’urbanisme requises.
Le terrain d’assiette du projet était classé par le futur plan local d’urbanisme en zone naturelle, en raison de son intérêt environnemental et de l’objectif de réduction de la consommation des zones humides. Le maire devait donc bien surseoir à statuer.

Cf. CAA de Bordeaux, 6 février 2020, req. n° 17BX03907

Le maire refuse des constructions sur pilotis en zone inondable

La société requérante a déposé une demande de Permis de Construire (PC) pour un bâtiment provisoire sur pilotis à usage de bureaux dans un lotissement, mais le maire a refusé.

Le juge rappelle que même si une construction respecte l’ensemble des dispositions du Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI) applicable dans la commune concernée, le maire peut quand même la refuser sur le fondement des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, dès lors qu’un risque d’atteinte à la sécurité publique est caractérisé à la date de ce refus. Il précise que l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme doit préciser dans l’autorisation les conditions d’application d’une prescription générale contenue dans le plan, et subordonner, en application des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, la délivrance du PC sollicité à d’autres prescriptions spéciales.
Ici, le terrain d’assiette du projet est situé en zone bleu clair du plan de prévention du risque inondation, ce qui correspond à un risque modéré en secteur urbanisé, mais il apparait que ce classement avait été sous-évalué en raison d’erreurs de relevés topographiques et qu’une révision du plan avait donc été initiée pour finalement classer ce terrain dans une zone de risque fort d’inondation.

Cf. CAA de Bordeaux, 20 mai 2020, req. n°18BX00137

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