veille juridique novembre 2020

Chaque mois (hors Covid), notre juriste-conseiller réalise une veille juridique sur les modifications des lois impactant nos domaines de compétences (urbanisme, architecture, environnement, habitat, etc.). Ce mois-ci, il est question notamment des POS, des places de stationnement ou encore de permis modificatif.
 
 

Démolition d’une surélévation occasionnant une perte d’ensoleillement pour une résidence secondaire voisine

La perte d’ensoleillement d’une résidence secondaire située dans un environnement rural à faible densité de population et non dans une zone urbanisée ou en voie d’urbanisation peut constituer un trouble anormal du voisinage justifiant la démolition de la surélévation qui en est la cause.

Les propriétaires d’une résidence secondaire ont tenté de faire annuler le Permis de Construire d’une extension et d’une surélévation par leurs voisins, mais ils ont été déboutés par le Tribunal. Ils vont donc solliciter la démolition de cette construction sur le fondement du trouble anormal du voisinage occasionné par une perte d’ensoleillement. La cour d’appel leur donne raison et ordonne la démolition partielle de la surélévation.
Devant la Cour de cassation, les voisins font valoir le caractère disproportionné de la démolition par rapport au droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile. Ils prétendent que la perte d’ensoleillement est à la fois limitée à une infime partie de la cour des demandeurs et seulement durant 3 à 4 mois dans l’année, quand les demandeurs ne sont présents que quelques semaines par an. Enfin, leur maison se situant au cœur du village, avec une cour encaissée et entourée d’autres immeubles, les requérants ne pouvaient ignorer, lors de leur acquisition, que les parcelles voisines étaient constructibles.

Mais la Haute Juridiction rejette leur argumentaire. Elle relève d’abord que la maison des demandeurs est située dans un environnement rural à faible densité de population et non dans une zone en voie d’urbanisation, que leur cour, qui bénéficiait d’un bon ensoleillement durant les mois d’été, est désormais totalement à l’ombre à compter de 16 heures en plein été, et que la circonstance que la maison sert de résidence secondaire n’est pas de nature à exclure l’existence d’un trouble anormal du voisinage dès lors que celle-ci a précisément pour vocation d’être occupée en période estivale.

Peu importe donc l’appréciation de la légalité du Permis de Construire, il s’agit d’une action en responsabilité objective dont la mise en œuvre suppose que soient prouvés un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre le trouble et le préjudice subi.

Cf. Cass. 3e civ. 22-10-2020 n° 18-24.439

La demande de permis modificatif destiné à régulariser les travaux accomplis est-il légal après le dépôt de la déclaration d'achèvement ?

En l’espèce, suite à une procédure judiciaire engagée par les voisins contre la construction, le maire avait suggéré au pétitionnaire de présenter une demande de Permis de Construire (PC) modificatif pour régulariser la construction. Le PC modificatif a été accordé au motif que les modifications demandées visaient à régulariser la construction réalisée sur la base du PC initial et à remédier aux non-conformités révélées notamment par la procédure judiciaire.
Mais le Conseil d’Etat précise qu’un permis modificatif destiné à régulariser les travaux ne peut être légalement délivré qu'à la condition que, suivant les opérations de récolement appelées par la déclaration d'achèvement, l'autorité administrative compétente ait contesté la conformité des travaux accomplis au titre de l'article R.462-9 du Code de l'urbanisme. A défaut, c'est un nouveau PC qui doit être obtenu.

En résumé, un Permis de Construire modificatif n’est possible après la déclaration d’achèvement des travaux que si l’administration réfute la conformité dans le délai des trois mois et demande la régularisation de la construction par le biais d’un PC modificatif. En dehors de ce cas, même pour une action judiciaire engagée par les voisins, un nouveau permis de construire sera nécessaire.

Cf. CE. 25 novembre 2020, req. n° 429.623

Permis et division primaire : le Conseil d’Etat indique la marche à suivre

Lorsqu’un projet de construction porte sur un groupe d’immeubles ou sur un immeuble autre qu’une maison individuelle et que son implantation est prévue sur la fraction d’un terrain qui a vocation à être divisé par la suite, il est possible de solliciter l’obtention d’un permis dans le cadre d’une division primaire, c’est-à-dire une autorisation de construire, qui, par anticipation en quelque sorte, va s’appliquer sur une parcelle issue d’une division foncière qui n’est pas encore intervenue.
Se pose alors la question de la méthode qu’il faut suivre pour vérifier si le projet de construction respecte la règlementation d’urbanisme applicable : faut-il raisonner à l’échelle de la parcelle d’assise du projet, telle qu’elle existera une fois la division effectuée ou bien par rapport à l’ensemble de l’unité foncière qui a vocation à être divisée ?

Le Conseil d’Etat a clairement précisé que c’était la seconde option qui devait être mise en œuvre : « Eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. »

Et tant que les travaux ne sont pas achevés, la même méthode doit être adoptée pour instruire une demande de permis modificatif portant sur le projet, même si la division foncière a été effectuée entre-temps : « Dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue. »

Cf. CE, 12 novembre 2020, SCI du 3 rue Jules Gautier, req., n° 421590

Vigilance sur les mentions du Permis de Construire autorisant un ERP « coquille vide »

Pour les projets de construction hébergeant un Etablissement Recevant du Public (ERP), le Code de l'urbanisme prévoit une procédure « deux en un » : le Permis de Construire tient lieu de l'autorisation prévue à l’article L. 111-8 du CCH, sous réserve de l'accord de l’autorité compétente. Une possibilité de disjoindre les procédures est néanmoins admise lorsqu'à la date du dépôt de la demande de permis, l'aménagement intérieur des futurs locaux n'est pas intégralement finalisé. Pour ces projets dits de
« coquilles vides », l'instruction du volet ERP est reportée et le PC indique alors qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du CCH doit être demandée et obtenue, par le demandeur, avant l'ouverture au public.

 
La mention de cette obligation est essentielle pour donner au PC sa réelle portée. Elle doit donc figurer expressément dans le dispositif de l'arrêté de permis, sous peine d'illégalité, et ce même si le contenu du dossier de demande révèle que le pétitionnaire n'ignore rien de son obligation.
 
Le Conseil d'État confirme la rigueur de ce formalisme : celui-ci n'est pas respecté lorsque le Permis de Construire se borne à mentionner que son bénéficiaire devra respecter diverses prescriptions, dont celles formulées par l'avis de la commission communale d'accessibilité qui, en l'occurrence, fait état de l'obligation, pour le demandeur, de solliciter l'autorisation ERP complémentaire, car une mention expresse ne se déduit pas.

Cf. CE, 25 nov. 2020, n° 430754

Pas de sursis supplémentaire pour les POS !

Le gouvernement n'envisage pas un nouveau report de la date de caducité définitive des Plans d’Occupation des Sols (POS), malgré la crise sanitaire et les périodes de confinement. Les communes concernées qui sont membres d'une intercommunalité dont le PLUi ne sera pas achevé au 31 décembre 2020, se verront appliquer le RNU.

Le ministère précise que 6 années ont ainsi été laissées pour achever l'élaboration de ces PLUi, alors que le délai moyen d'élaboration de ces plans est d'environ 4 ans. Ces délais ont permis de considérablement réduire le nombre de plans concernés par la caducité.
En 2014, il restait 7 500 POS actifs. Ils n'étaient plus que 800 au 1er janvier 2020, et 546 au 1erseptembre.

Cf. Rép. min. : JO Sénat CR, 6 nov. 2020, p. 8320

Construction multi-destinations et calcul des obligations en matière de stationnement

En l'absence de précision du règlement du PLU, il convient de calculer distinctement le nombre de places exigées pour chaque destination puis de les cumuler.
En l'espèce, le contentieux portait sur la réhabilitation de locaux accueillant un restaurant. Les travaux envisagés comportaient la création d'un logement par changement partiel de destination, la création d'une toiture terrasse accessible et l'aménagement des cours extérieures. Le Tribunal Administratif avait considéré que le projet n'impliquait la réalisation d'aucune place de stationnement, puisqu'il entrainait une réduction de plus de 22 m² de la surface de plancher totale des locaux et prévoyait la création d'un seul logement. Son jugement est annulé pour erreur de droit, le juge de première instance n'ayant pas tenu compte de la surface de plancher créée à destination d'habitat.

Certains règlements de PLU déterminent les obligations en matière d'aires de stationnement, y compris dans le cas de constructions comportant plusieurs destinations.
Lorsque tel n'est pas le cas, il convient :
- de calculer distinctement le nombre de places de stationnement exigées pour chacune des nouvelles destinations qu'aura la construction à l'issue des travaux autorisés,
- puis de les cumuler.

Dans l'hypothèse de travaux réalisés sur une construction existante, il suffit, après ce premier calcul, de retrancher le nombre de places existantes pour en déduire le nombre de nouvelles places à créer. La réduction de la surface de plancher totale est sans incidence.

Cf. CE, 25 nov. 2020, n° 430754

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