Veille juridique janvier 2021

Chaque mois, notre juriste-conseiller réalise une veille juridique concernant aussi bien le droit à construire que les autorisations d'urbanisme ou encore les réglementations en vigueur. Ce mois-ci, entre autres, les troubles du voisinages dans le Code civil ?, un permis régularisé en cours d'instance à la faveur d'une dérogation au PLU, etc.

 

 

 

Le trouble anormal du voisinage bientôt dans le Code civil ?

Le gouvernement a jusqu'au 29 juillet pour remettre au parlement un rapport examinant la possibilité d'introduire dans le Code civil la théorie des troubles anormaux du voisinage.
Avec le vote de la loi du 29 janvier 2021 qui a modifié dans ce sens l’article L.110-1 du Code de l’environnement, le gouvernement est chargé, dans les 6 mois de sa promulgation, de remettre au parlement un rapport examinant la possibilité d’introduire dans le Code civil le principe de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage, afin d’éclairer le législateur dans le cadre des futurs débats portant sur la réforme de la responsabilité civile. Devront, à ce titre, être étudiés les critères d’appréciation du caractère anormal de ce trouble et la possibilité de tenir compte de l’environnement.

Dans le rapport qu’il doit remettre avant le 29 juillet 2021, le gouvernement doit examiner la possibilité d’introduire dans le Code civil « le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage ». Actuellement, la notion de trouble anormal de voisinage ne résulte pas directement de la loi, elle est une création jurisprudentielle.
La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage est établie objectivement sans que la preuve d’une faute soit exigée.

La Cour de cassation, pour fonder ses arrêts en la matière vise uniquement le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. En souhaitant intégrer la théorie du trouble anormal du voisinage dans le Code civil, le législateur poursuit un objectif de sécurité juridique.

Cf. Loi n° 2021-85, 29 janv. 2021 : J0, 30 janv.

La modification du PLU ne permet pas de surseoir à statuer sur les demandes de Permis de Construire (PC)

Seules les procédures d'élaboration et de révision du PLU permettent de surseoir sur les demandes d'autorisation susceptibles de compromettre l'exécution du futur plan.
Le Code de l'urbanisme permet à l'autorité administrative de surseoir à statuer sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du PLU en cours d'élaboration. Par cet arrêt du 28 janvier 2021, le Conseil d'État précise que ce mécanisme prévu à l’article L.153-11 ne peut pas être enclenché dans le cadre d'une procédure de modification du PLU.

En effet, aucune disposition ne le prévoit, contrairement à la procédure de révision. Un maire ne peut donc faire usage de cette possibilité que dans le cadre d'une élaboration ou d'une révision de son PLU, deux procédures extrêmement lourdes.

Cf. CE, 28 janv. 2021, n° 433619

Urbanisme : l'activité équestre n'est toujours pas agricole

Au sens du droit de l'urbanisme, un centre équestre n'exerce pas une activité agricole lui permettant d'installer des infrastructures en zone naturelle du PLU.
Il était en l’espèce question de la régularité de l’implantation, par un centre équestre, de plusieurs tentes et chalets en bois au sein des zones naturelles délimitées par le PLU local. Le maire de la commune s’était opposé à la Déclaration Préalable (DP) de travaux déposée par l’association maître des ouvrages. Cette dernière critiquant la décision de l’édile, l’affaire avait d’abord échoué devant le Tribunal Administratif de Toulon avant d’être tranchée par la Cour administrative d’appel de Marseille.

L’arrêt rendu se penche sur la nature de l’activité justifiant les aménagements réalisés. Il apparait en effet que, selon le règlement du PLU (art. N2), « pour les exploitations agricoles existantes à la date d’approbation du PLU, les travaux, serres et autres, les installations nécessaires à leur conservation, à leur modernisation ou à leur transformation sont autorisées sans qu’ils aient pour effet une extension de la surface du terrain qu’elles occupent ». Pour les juges, l’association requérante ne peut justifier de l’exercice de la moindre activité agricole à la date d’adoption du PLU.
 
Point fondamental du raisonnement de la Cour : « la circonstance qu’elle pourrait être regardée comme exerçant une activité agricole au regard de l’article L.311-1 du Code rural et de la pêche maritime est sans incidence dès lors que cette disposition relève d’une législation indépendante ».
Dit autrement, la définition de l’agriculture posée par le Code rural s’arrête aux portes du Code de l’urbanisme. S’ensuit que les « activités de préparation et d’entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation » (C. rur., art. L.311-1) ne sont pas, au titre des autorisations de construire, qualifiables d’activités agricoles par détermination de la loi.

En ne tenant pas compte de la législation rurale, la Cour range donc, en l’occurrence, les activités équestres dans la catégorie des activités sportives.

Cf. CAA Marseille, 17 déc. 2020, n° 19MA05029

Tour d’échelle et proportionnalité : le voisin n’est pas obligé de donner accès à son terrain pour les besoins des travaux même temporairement.

D’origine jurisprudentielle, la servitude de tour d’échelle confère à un propriétaire le droit de disposer d’un accès temporaire au fond d’une propriété contiguë à la sienne pour effectuer les travaux nécessaires à la conservation de son bien.
En l’absence de constitution d’une servitude de tour d’échelle ou de mise en œuvre d’une solution amiable entre deux voisins, le recours au juge est dès lors un préalable nécessaire.
C’est ce qu’il s’est passé pour une société propriétaire d’un terrain contigu à celui appartenant à une SCI, après avoir obtenu un PC l’autorisant à édifier un immeuble en limite de sa propriété.

Sauf que la Cour de cassation rejette l’argumentation et retient que : « La cour d’appel a souverainement retenu, d’une part, que, l’environnement urbain étant peu dense et la société SC […] disposant d’un terrain étendu lui permettant de modifier l’implantation de son immeuble en retrait de la limite séparative, la réalisation de son projet ne rendait pas indispensable une intervention sur le terrain voisin et, d’autre part, que les travaux envisagés, qui impliquaient la démolition d’un mur, le creusement d’une tranchée de 2,70 mètres de profondeur et de 3 mètres de large tout le long du chemin d’accès à la parcelle voisine et la privation de l’usage de son parking pendant au moins six semaines, étaient de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la SCI […] ».

Selon la Haute juridiction, la demande d’autorisation de tour d’échelle devait être rejetée au motif que le demandeur à ce droit d’accès ne remplissait pas les deux conditions nécessaires pour sanctionner le refus du propriétaire voisin sur le fondement de la responsabilité civile, à savoir le caractère indispensable des travaux et l’impossibilité de les réaliser autrement qu’en accédant au fonds voisin.

En l’occurrence, la solution retenue contraint le maître d’ouvrage à procéder à une modification de l’implantation de son ouvrage, ainsi qu’à celle de son autorisation de construire.

Cf. Cass. Civ. 3ème, 12 novembre 2020, n°19-22.106

Réseaux d’eau : instruire une demande de raccordement hors zone de desserte

Les requérants ont demandé au maire d’exécuter des travaux de raccordement au réseau public d’eau potable de leur propriété située à l’extérieur du village, dans un secteur où six propriétés seulement sont raccordées. Le maire a refusé et le juge a été saisi.
Le Conseil d’Etat rappelle que les communes ou Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) compétents doivent délimiter, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, les zones de desserte dans lesquelles ils sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable, pour toutes les propriétés qui ont fait l’objet des autorisations et agréments visés à l’article L.111-12 du Code de l’urbanisme. Ce délai doit s’apprécier au regard, notamment, du coût et de la difficulté technique des travaux d’extension du réseau de distribution d’eau potable et des modalités envisageables de financement des travaux.

Il précise qu’en dehors des zones de desserte ou en l’absence de délimitation par le schéma de telles zones, la collectivité apprécie la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable. Le juge de l’excès de pouvoir exerce alors, en cas de refus, un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation.
Ici, en s’abstenant, pour rejeter la demande des requérants, de rechercher d’abord si une zone de desserte avait été délimitée dans le secteur concerné et si la propriété des intéressés en faisait partie, la cour a commis une erreur de droit. L’affaire lui est renvoyée.

Cf. Conseil d'État, 26 janvier 2021, req. n° 431494

Permis régularisé en cours d'instance à la faveur d'une dérogation au PLU

La mesure de régularisation peut prendre la forme d'une dérogation aux règles d'urbanisme applicables fondée sur l'article L.152-6 du Code de l'urbanisme, à condition que le pétitionnaire en ait formulé la demande.
L'article L.152-6 du Code de l'urbanisme permet à l'autorité chargée de délivrer le PC de déroger, par décision motivée, à certaines règles du PLU pour faciliter l'implantation de logements en zones tendues. Dans sa décision du 17 décembre 2020, le Conseil d'État considère que ces dispositions peuvent être mobilisées, au contentieux, dans le cadre d'une régularisation de PC fondée sur l'article L.600-5-1 du Code de l'urbanisme.

Le litige portait en l'espèce sur un permis autorisant la réalisation d'une résidence étudiante qui avait été octroyé en méconnaissance des règles de distance par rapport aux limites séparatives figurant dans le règlement du PLU. Au titre de l'article L.600-5-1 du Code de l'urbanisme, le Tribunal Administratif avait sursis à statuer pour laisser le temps au pétitionnaire d'obtenir un permis de construire propre à assurer la conformité de son projet aux règles locales d'implantation.

Ayant constaté que le vice avait été couvert par l'autorisation obtenue, délivrée au bénéfice d'une dérogation aux règles de retrait prévue par l'article L.152-6 du Code de l'urbanisme, le pourvoi formé à l'encontre de ce jugement est rejeté par le Conseil d'État qui apporte les deux précisions suivantes :
- la régularisation peut se faire à la faveur d'une telle dérogation, sous réserve que le pétitionnaire ait formé une demande en ce sens, En l'occurrence, cette condition était remplie puisque le constructeur avait sollicité l'octroi de la dérogation en faveur des projets respectant un objectif de mixité sociale ;
- le respect de l'objectif de mixité sociale auquel est subordonné ce type de dérogation doit être apprécié tant au regard de la nature du projet que de sa zone d'implantation.

Cf. CE, 17 déc. 2020, n° 432561

 

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