Veille juridique novembre 2021

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation. Au sommaire ce mois-ci, la performance énergétique et environnementale des bâtiments, l'aménagement commercial ou encore la régularisation d’un Permis de Construire (PC).
 

Certificat d'Urbanisme : ses effets demeurent en cas de refus de permis annulé

Autorisations d’urbanisme, Certificat d’Urbanisme (CU)
Lorsque le rejet opposé à une demande d'autorisation déposée dans le délai de validité d'un CU est annulé par le juge, le réexamen de la demande doit se faire au regard des règles d'urbanisme cristallisées à la date du certificat.

Selon l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme, le titulaire d'un certificat d'urbanisme qui dépose une demande de PC dans les 18 mois de sa délivrance, voit sa demande examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date du certificat, sauf pour des motifs de sécurité ou de salubrité publiques.
Dans cet arrêt, le Conseil d'État se positionne en faveur du maintien de cette garantie dans l'hypothèse où se succèdent le dépôt d'une demande d'autorisation dans le délai de validité d'un certificat, un refus de l'administration puis la censure de ce refus par le juge.
Il juge que l'annulation de la décision de rejet ne prive pas le demandeur du droit à voir sa demande examinée au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date de ce certificat. Le réexamen de la demande d'autorisation doit donc se faire au vu des règles cristallisées par le certificat, en dehors de toute demande de prorogation de ses effets par son bénéficiaire.
Cette solution se complète au principe que l’annulation d’une décision de refus sur une demande d'autorisation impose à l’administration de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. Ce qui est d'autant plus logique qu'une solution inverse permettrait à l'administration de neutraliser les effets d'un CU par la seule décision d'un refus d'autorisation illégal.

Cf. CE, 24 nov. 2021, n° 43737

La reconstruction d’un bâtiment existant n’implique pas forcément de réaliser la même chose

PLU, reconstruction
Lorsqu’un document d’urbanisme autorise « la reconstruction des bâtiments existants », le propriétaire peut-il démolir une construction présente sur son terrain pour y édifier un ouvrage différent ou bien son nouveau projet n’est-il possible que s’il est identique au bâtiment démoli ?
Le Conseil d’Etat a très clairement opté pour la seconde option en censurant un jugement qui avait considéré que le projet consistant à démolir un bâtiment puis à édifier sur la parcelle une construction dont la conception et les caractéristiques étaient différentes de ce dernier ne pouvait être assimilée à une opération reconstruction.
Le Conseil d’Etat fait preuve de souplesse dans sa conception de la notion de reconstruction puisqu’il estime que celle-ci doit être comprise comme « une construction après démolition du bâtiment préexistant sur la parcelle ». Dès lors, en jugeant que la reconstruction impliquait que la nouvelle construction ne doit pas être substantiellement différente du bâtiment démoli, le Tribunal a commis une erreur de droit.

Avec cet arrêt, il est donc fortement conseillé de préciser dans les documents d’urbanisme si la reconstruction d’un bâtiment existant, lorsqu’elle est autorisée, doit être effectuée « à l’identique ».
Car en l’absence de cette précision, un propriétaire pourra invoquer cette jurisprudence pour soutenir qu’après la démolition du bâtiment existant sur sa parcelle, il a le droit de réaliser une construction différente et, le cas échéant, plus importante, si les autres règles applicables dans la zone l’autorisent.

Cf. CE, 19 novembre 2021, Commune de Théoule-sur-Mer, req., n°435153

Un maire peut-il infliger une amende au propriétaire dont les arbres gênent l’installation de la fibre optique ?

Arbres, pouvoir de police, sécurité publique
Réponse du Ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales : L’article 53 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a renforcé les moyens dont le maire dispose pour faire respecter ses décisions en matière de police, en lui donnant la possibilité de prononcer des sanctions administratives sous la forme d’amendes pour lutter contre les incivilités du quotidien.
En effet, l’article L. 2212-2-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que « peut donner lieu à une amende administrative d’un montant maximal de 500 € tout manquement à un arrêté du maire présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu : 1° En matière d’élagage et d’entretien des arbres et des haies donnant sur la voie ou le domaine public ».
Cependant, le maire ne peut exercer son pouvoir de sanction administrative sur le fondement de l’article L. 2212-2-1 précité que si les trois conditions suivantes sont réunies :

  • il doit d’abord avoir pris, par arrêté, une mesure de police,
  • il ne peut ensuite prononcer une amende que si le manquement à son arrêté présente un risque pour la sécurité des personnes,
  • enfin, ce manquement doit présenter un caractère répétitif ou continu.

Ainsi, l’exercice de ce pouvoir de sanction administrative est strictement limité à des comportements présentant un risque pour la sécurité des personnes. Dès lors, une amende administrative ne peut être infligée pour sanctionner des comportements jugés dérangeants, inesthétiques, inappropriés, mais non dangereux pour la sécurité des personnes. Elle ne peut pas davantage sanctionner des comportements dangereux pour la sécurité des biens.
Par conséquent, le maire ne saurait prononcer une amende administrative à l’égard du propriétaire d’un terrain sur lequel se trouveraient des arbres qui gêneraient l’installation de la fibre optique ou l’entretien des lignes téléphoniques et électriques.

Cf. Question écrite de Véronique Louwagie, n°36782, JO de l'Assemblée Nationale du 31 août

Prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale des bâtiments :
modalités de délivrance des attestations

Performance énergétique, performance environnementale
Un décret du 30 novembre définit les modalités de réalisation d’une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie, lors de la construction des bâtiments de bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation, de bureaux ou d’enseignement primaire ou secondaire en France métropolitaine.
Il précise les conditions dans lesquelles sont délivrées pour ces mêmes bâtiments les documents attestant de la prise en compte des exigences de performance énergétique et environnementale.
Ces attestations sont jointes lors du dépôt de la demande de PC et lors de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux. Lors du dépôt de la demande de PC, une attestation de réalisation d’une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie est également jointe.
Ce décret s’applique :

  • à compter du 1er janvier 2022 à la construction de bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation,
  • à partir au 1er juillet 2022 aux constructions de bâtiments ou parties de bâtiments de bureaux, ou d’enseignement primaire ou secondaire,
  • à compter du 1er janvier 2023, aux extensions de ces constructions et aux constructions provisoires, répondant aux mêmes usages.

Cf. Décret n° 2021-1548 du 30 novembre 2021, JO du 1er décembre 

L'avis de la CNAC sous contrôle du juge administratif

Aménagement commercial, recours contentieux
En application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du Code de justice administrative, le juge administratif peut imposer à une Commission Départementale d’Aménagement Commercial (CDAC) ou à la Commission Nationale d’Aménagement Commercial (CNAC) de rendre un avis sur une demande d’autorisation d’exploitation commerciale dans un sens déterminé. Dans cet arrêt, le Conseil d’État apporte des précisions en matière de contentieux des autorisations d’exploitation commerciale.
En l’espèce, une société avait déposé une demande de PC valant autorisation d’exploitation commerciale en vue de la réalisation d’un supermarché. La CNAC avait été saisie et avait rendu un avis défavorable sur le projet. Le maire de la commune avait finalement rejeté la demande. Ce refus a été contesté par le pétitionnaire et la Cour Administrative d’appel de Lyon a accédé à la requête en annulant l’arrêté et en exigeant, d’une part, que la CNAC rende un avis favorable sur ce projet et d’autre part, que le maire statue à nouveau sur ce même projet.
Cet arrêt a fait l’objet de deux pourvois en cassation formés respectivement par la CNAC et par une société opposée au projet.

A l’appui de sa requête, la CNAC faisait valoir qu’au titre de sa mission d’instruire les recours gracieux formés contre les avis rendus par la CDAC, cela faisait obstacle à l’injonction de rendre un avis favorable qui avait été prononcée par les juges d’appel. Le Conseil d’État rejette ce moyen, affirmant ainsi que la CNAC peut se voir enjoindre de prendre des mesures dans un sens déterminé (article L. 911-1 du CJA).
Cependant, le Conseil d’Etat estime que la Cour Administrative d’appel a été trop loin en imposant à la CNAC de rendre un avis favorable. En effet, les commissions d’aménagement commercial examinent la conformité du projet avec les objectifs légaux en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs et selon des critères définis par la loi. Il résulte de ces dispositions qu’une autorisation d’exploitation commerciale ne peut être refusée que si le projet compromet la réalisation de ces objectifs.
En l’espèce, selon le moyen soulevé par la société requérante opposée au projet, les motifs retenus par la CNAC pour rendre un avis défavorable, qui ont été jugés irréguliers par l’arrêt d’appel, ne concernaient que certains des critères d’évaluation relatifs à deux des trois objectifs légaux. Dès lors, l’annulation de cet avis n’impliquait pas nécessairement que le projet soit conforme à l’aune de la totalité des critères. La CNAC ne se trouvait donc pas en situation de compétence liée et les juges du fond ont commis une erreur de droit en lui enjoignant de rendre un avis favorable.

Cf. CE, 22 novembre 2021, n°441118 

Que se passe-t-il si la commune refuse de régulariser un permis lors de l’instance dirigée contre celui-ci ?

Contentieux administratif, régularisation, permis modificatif
En application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le juge administratif, lorsqu’il est saisi d’un recours dirigé contre un PC, peut surseoir à statuer et accorder un délai au pétitionnaire et à la commune pour régulariser une illégalité qui aurait été décelée dans l’autorisation.
Concrètement, dans le délai imparti par la juridiction, le pétitionnaire doit déposer une demande de permis modificatif destinée à « purger » le dossier de l’illégalité qui a été identifiée.

Mais que se passe-t-il si, une fois cette démarche effectuée, la commune refuse de délivrer le PC modificatif sollicité ? Le juge doit-il automatiquement considérer que la régularisation du permis initial n’est pas intervenue et annuler ce dernier ? Ou bien doit-il se pencher sur la légalité du refus de la commune de procéder à la régularisation lorsqu’il est saisi de moyens en ce sens ?
A toutes ces questions, le Conseil d’Etat vient d’apporter une réponse particulièrement claire et que l’on peut résumer comme suit :

  • si le permis modificatif est accordé, la mesure de régularisation peut être contestée dans le cadre de l’instance dirigée contre le permis initial,
  • mais si le permis modificatif est refusé, le juge doit considérer que la régularisation n’est pas intervenue et il doit annuler le permis initial.

Le pétitionnaire ne pourra pas contester la légalité du refus de permis modificatif dans le cadre de l’instance dirigée contre son permis initial. S’il souhaite effectuer cette contestation, il doit introduire une requête distincte contre le refus de la commune d’autoriser son projet.

Cf. CE, 9 novembre 2021, Société civile de construction vente Lucien Viseur, req., n° 440028

 

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