Veille juridique janvier 2022

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation. Au programme ce mois-ci, entres autres, la garantie décennale, l'évaluation environnementale ou encore l'emplacement réservé.

 

 

Opposabilité des OAP du PLU aux autorisations d'occupation des sols

OAP, PLU
Une commune approuve la création d'une ZAC pour la réalisation de logements et d'une maison de retraite. Puis elle adopte son PLU qui comprend une OAP prévoyant la localisation dans la ZAC d’ « équipements publics (notamment EHPAD) ». Mais finalement, le projet et les besoins évoluent et le maire délivre, quelques années plus tard, un permis pour la réalisation non pas d'un EHPAD mais d'une résidence intergénérationnelle pour personnes âgées et jeunes adultes.
Des voisins obtiennent l'annulation du PC. La commune se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’Etat apporte des précisions dans l'hypothèse où une OAP prévoit la localisation d'un équipement public précis comme élément de programmation d'une ZAC. Dans ce cas, il considère que « la compatibilité de l'autorisation d'urbanisme portant sur cet équipement doit s'apprécier au regard des caractéristiques concrètes du projet et du degré de précision de l’OAP, sans que les dispositions du Code de l'urbanisme relatives aux destinations des constructions, qui sont sans objet dans l'appréciation à porter sur ce point, aient à être prises en compte ».
En l'espèce, le tribunal avait annulé le PC en se fondant sur les dispositions de l'article R. 151-28 du Code de l'urbanisme, en vertu desquelles la résidence envisagée ne relevait pas de la même sous-destination de construction « équipements d'intérêts collectifs et services publics » qu'un EHPAD.

Le juge a ainsi commis une erreur de droit. Il lui appartenait, en effet, de rechercher si le projet ne contrariait pas la réalisation des objectifs poursuivis par l'OAP, au regard des caractéristiques concrètes du projet et des termes de l'orientation en cause.
Ainsi, le tribunal a inexactement qualifié les faits en jugeant que la réalisation d'une résidence intergénérationnelle dont les deux tiers des logements sont destinés à accueillir des seniors, et qui inclut des espaces collectifs gérés par une association autorisée à fournir des services d'aide à domicile, n'est pas compatible avec une OAP ayant pour objectif le développement d'une offre de logements adaptée aux personnes âgées en situation de dépendance.

Conseil d'etat 30 déc. 2021, n°446763

Garantie décennale : un arrêté de constatation de catastrophe naturelle ne suffit pas
à justifier d’un cas de force majeure

Garanties, responsabilités
Les principes de la garantie décennale des constructeurs établissent que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de 10 ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.
Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

Dans cette affaire, une médiathèque a subi un dégât des eaux très important lors de violentes intempéries à la suite du débordement des chéneaux encastrés de la couverture du bâtiment. Aux termes de l’expertise, cette inondation provient, d’une part, du défaut d’entretien des chéneaux et, d’autre part, de l’absence de trop-pleins au droit des extrémités des chéneaux contrairement à ce que prévoit la réglementation.
En ce qui concerne les causes exonératoires, les entreprises mises en cause soutiennent que cet orage présente les caractéristiques d’un cas de force majeure de nature à les exonérer de toute responsabilité.
Ces intempéries ont conduit à la constatation de l’état de catastrophe naturelle par arrêté ministériel. Mais pour le juge, cela ne permet pas, en l’absence d’autres précisions sur le caractère imprévisible et irrésistible de ces précipitations, de les qualifier de cas de force majeure de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité. Au demeurant, ces sociétés n’établissent pas que des trop-pleins n’auraient pas permis d’évacuer ces eaux pluviales fussent-elles exceptionnelles.
Concernant la faute commise par le maître d’ouvrage dans l’entretien de la médiathèque, les entreprises soutiennent que cela est de nature à les exonérer de toute responsabilité et qu’à tout le moins, la part de responsabilité retenue par le tribunal de 20% de désordres restant à la charge de la commune devrait être réévaluée à la hausse. Les conséquences de ces amas de feuilles mortes dans l’engorgement et le débordement des chéneaux est souligné et retenu par les deux experts judiciaires successivement désignés. Finalement, le juge fixe à 40% la part des désordres devant rester à la charge de la commune.

Cour d'appel administrative de Versailles, 15 avr. 2021, req. n°18VE03278

La création d’un emplacement réservé dans le PLU ne rend pas
les parcelles inconstructibles de fait

PLU, emplacement réservé
Par une délibération, une communauté urbaine a approuvé le PLU d’une commune littorale. Des habitants ont demandé l’annulation de cette délibération qui grève d’un emplacement réservé des parcelles leur appartenant. Pour rappel, l’intention d’une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu’emplacement réservé sans qu’il soit besoin pour la commune de faire état d’un projet précisément défini.
Le rôle du juge est de vérifier que le choix de la commune de classer une parcelle en emplacement réservé répond bien au besoin de protection d’un terrain d’éventuelles opérations qui seraient susceptibles de compromettre la réalisation future d’un ouvrage ou aménagement répondant à un intérêt général. C’est donc un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Ici, le juge considère que cet emplacement réservé est indiqué de manière suffisamment précise, sans qu’il soit besoin pour la commune de faire état d’un projet plus précisément défini, contrairement à ce que soutiennent les requérants. La commune justifie ainsi de la réalité de son intention de réaliser ces équipements sur ces parcelles, alors même que l’existence des demandes de subvention de la commune pour réaliser les équipements projetés ne serait pas établie. Il s’agissait d’un parc de stationnement, d’un parc-relais et d’un parc pédagogique.
Le classement d’un terrain en emplacement réservé a seulement pour effet d’interdire à son propriétaire de modifier son bien d’une manière incompatible avec sa destination future. Cela signifie que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la création de cet emplacement réservé rendrait de fait inconstructibles leurs parcelles classées pourtant en zone urbaine UC et qu’elles devaient être classées en zone naturelle inconstructible, comme la majorité des parcelles situées à l’intérieur de l’emplacement réservé. De plus, le juge souligne que ce classement de ces parcelles en zone UC, dont le règlement permet la création d’un parking-relais à l’entrée du futur parc ainsi que des installations nécessaires à l’accueil du public, au lieu d’un classement en zone naturelle, qui permettra l’implantation du parc pédagogique lui-même, n’établit pas par lui-même que le classement en zone urbaine de leur parcelle serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation. La requête est donc rejetée.

cour d'appel administrative de Marseille, 13 avr. 2021, req. n°19MA01843

Quid de l'obligation de mise en conformité des équipements autonomes en cas de projet d'assainissement collectif ?

Réseaux, assainissement
Le Ministère de la transition écologique a été interpellé sur la situation des propriétaires de biens dotés d'une installation d'assainissement non collectif, soumis à l'obligation de mise en conformité de leur installation, y compris lorsqu'un projet d'assainissement collectif est envisagé.

Interrogé sur les solutions existantes pour les propriétaires et communes concernés, le Ministère confirme dans un premier temps que l'existence d'un projet d'assainissement collectif ne dédouane pas les propriétaires de leurs obligations en matière de mise en conformité de leurs installations d'assainissement non collectif.
Puis il ajoute : « lorsque le réseau public d'assainissement sera construit, le propriétaire disposera alors de 2 ans pour se raccorder à ce réseau conformément à l'article L.1331-1 du Code de la santé publique. Cet article assortit toutefois cette obligation de possibilités d'exonérations de l'obligation ou de prolongations de délai. En outre, le maire peut, par arrêté approuvé par le préfet, accorder une prolongation du délai de raccordement notamment aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet d'un permis de construire datant de moins de 10 ans, lorsque ces immeubles sont pourvus d'une installation réglementaire d'assainissement autorisée par le permis de construire et en bon état de fonctionnement. Ces prolongations de délai ne doivent toutefois pas excéder 10 ans. De même des dérogations à l'obligation de raccordement peuvent notamment intervenir pour les immeubles difficilement raccordables, dès lors qu'ils sont équipés d'une installation d'assainissement autonome. […] ».

Réponse ministérielle n° 20304 : JO Sénat Q, 27 janv. 2022, p. 493

Un maire refuse la reconstruction à l’identique d’un corps de ferme

Permis de Construire, Loi littoral
La requérante souhaite obtenir un permis pour reconstruire à l’identique un corps de ferme pour en faire une résidence de 26 logements sur un terrain classé en zone N du règlement du PLU de la commune. Seules les occupations et utilisations du sol ci-après sont autorisées :

  • affouillements et les exhaussements de sols,
  • constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics,
  • reconstruction des bâtiments existants après sinistre sous réserve qu’il ne soit pas consécutif à un risque d’inondation susceptible de mettre en péril la vie de ses occupants,
  • l’extension des constructions à usage d’habitation existantes.

La requérante soutient que la destruction des bâtiments existants a résulté d’un sinistre intervenu lors des tempêtes de vent de la fin décembre 1999. Cependant, en produisant uniquement des relevés météorologiques attestant de l’existence d’une tempête durant cette période, elle n’apporte aucun élément de nature à établir la survenance du sinistre allégué durant cet évènement. Elle ne peut donc pas se prévaloir de la condition d’existence d’un sinistre prévue par les dispositions du PLU.
Enfin, l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son PC. Mais lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans PC et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction. Ici, l’ancienne ferme en cause, dont fait mention un plan cadastral de 1928, a été édifiée sans PC et son usage agricole a depuis longtemps cessé. Dès lors, le maire ne pouvait fonder légalement sa décision de refus sur l’usage initial de la construction.
Cependant, le motif d’absence de droit à la reconstruction d’un bâtiment existant suffit à valider le refus du maire de délivrer ce permis.

Cour administrative de Douai, 13 avr. 2021, req. n°20DA00217

Evaluation environnementale : l’introduction d’une « clause filet » se précise  

Evaluation environnementale
Le Ministère de la transition écologique vient de soumettre à consultation publique un projet de décret 10 février prochain, dont l’objet est de mettre en place un dispositif, généralement appelé « clause filet », permettant de soumettre à évaluation environnementale des projets d’aménagement (bâtiments, infrastructures, routes, etc.) situés en deçà des seuils de la nomenclature des études d’impact (annexée à l’article R.122-2 du Code de l’environnement) mais susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.

C’est la justice administrative qui est aux prémices de ce décret. Ce projet de texte répond en effet à l’injonction prononcée, à la demande de l'association France Nature Environnement, par le Conseil d’Etat dans le cadre de sa décision n°425424 du 15 avril 2021.
La Haute juridiction a retenu le grief relatif à l’absence de « clause filet » contraignant le gouvernement à revoir sa copie dans le délai de neuf mois. Le Conseil d’État a ainsi jugé que le décret nomenclature (n°2018-435 du 4 juin 2018), en ne soumettant à l’évaluation environnementale que les projets au-dessus des seuils, c’est-à-dire à raison de leur seule dimension (taille, capacité de l’installation), écarte des projets de petite taille qui pourraient pourtant avoir un impact notable sur l’environnement, à cause de leurs spécificités ou de leur lieu d’implantation.
Le projet de décret crée un article R.122-2-1 prévoyant que l’autorité compétente pour autoriser ou recevoir la déclaration d’un projet soumet à examen au cas par cas tout projet situé en-deçà des seuils de la nomenclature qui « lui apparaît » toutefois susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement. La décision de soumettre à examen au cas par cas revient à l’autorité compétente en charge de la première procédure d’autorisation ou de déclaration. Cette décision intervient dans un délai de 15 jours à compter du dépôt du dossier d’autorisation ou de déclaration. Lorsque l’autorité compétente informe le maître d’ouvrage de sa décision de soumettre le projet à examen au cas par cas, celui-ci saisit l’autorité en charge de cet examen dans les conditions prévues par les articles R.122-3 et R.122-3-1.
 Pour ces mêmes projets, le décret prévoit également la faculté pour le porteur de projet de saisir, de sa propre initiative, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Diverses dispositions d’articulation avec certaines procédures d’autorisation ou de déclaration sont également ajustées pour permettre d’activer ce dispositif.

Projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des projets

 

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