Veille juridique février 2022

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation. Au sommaire ce mois-ci : les voiries de lotissement, les risques inondations, la loi littoral ou encore les règles d'épandage.

 

 

Une voie affectée par le PLU à la desserte de routes départementales n'est pas
un équipement propre au lotissement

Lotissement, VRD
En application des articles L.332-6 et L.332-15 du Code de l’urbanisme, la réalisation et le financement des travaux nécessaires à l’équipement d’une construction, d’un terrain aménagé ou d’un lotissement ne peuvent être mis à la charge du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme que si ces équipements sont propres à l’opération autorisée.

Le Conseil d’État exclut toute participation du pétitionnaire, même partielle, lorsque les équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés du projet. Dans cet arrêt, il précise que cette exclusion s’applique notamment lorsque le document d’urbanisme d’une collectivité prévoit d’affecter une voie de circulation à des besoins dépassant ceux du lotissement.
En l’espèce, la société avait demandé à la collectivité le remboursement de la somme correspondant au coût des travaux de réalisation de la voie principale de circulation prévue dans le cadre de l’opération. Après refus du maire, elle avait porté l’affaire devant les juridictions administratives. Ces dernières avaient également rejeté la requête, jugeant que la voie constituait un équipement propre au groupe de constructions (CAA Bordeaux, 19 déc. 2019, n°18BX00167).
Le Conseil d’État annule la décision rendue par la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux. Il relève que le PADD du PLU adopté par la commune prévoyait de faire de cette voie, après prolongement, un axe de liaison entre deux routes départementales. Au regard de cette affectation, la Haute juridiction administrative estime que les juges du fond ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits en considérant que la voie avait été réalisée dans l’unique but de desservir les constructions autorisées.

Conseil d'Etat, 30 déc. 2021, n°438832

Un remblai irrégulier reste un remblai à prendre en compte

Risque inondation, remblai
Dans cette décision, un préfet a classé en zone rouge un terrain qui était pourtant protégé par un remblai. Certes, ce remblai avait été implanté irrégulièrement, mais il était là quand même. Le préfet ne pouvait pas l’ignorer pour ce seul motif.
Dans une décision datant de 2016 où il avait indiqué que lorsque les terrains sont situés derrière un ouvrage de protection, il faut prendre en compte « non seulement la protection que cet ouvrage est susceptible d’apporter, mais aussi le risque spécifique que la présence même de l’ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d’une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n’est pas dénuée de toute probabilité ».

Il ne faut donc pas seulement s’assurer que l’ouvrage soit en bon état, mais aussi songer qu’il pourrait être dépassé. Pour le Conseil d’Etat, la nature et l’intensité du risque doivent être appréciées de manière concrète, au regard notamment de la réalité et de l’effectivité des ouvrages de protection ainsi que des niveaux altimétriques des terrains en cause à la date à laquelle le plan est établi.
Ce ne sera pas le cas uniquement s’il est établi qu’un ouvrage n’offre pas les garanties d’une protection effective ou est voué à disparaître à brève échéance. Un ouvrage ne répond pas à l’un ou à l’autre de ces critères simplement parce qu’il a été établi dans des conditions irrégulières.
Ici, la cour administrative d’appel avait jugé que le préfet pouvait légalement s’abstenir de tenir compte, lors de l’élaboration de son document, de la modification de l’altimétrie de terrains résultant d’une opération de remblaiement car celle-ci avait eu lieu dans des conditions estimées irrégulières et présentait, à ce seul titre, un caractère précaire dans l’attente d’une éventuelle régularisation dont elle n’excluait pas la possibilité.

Conseil d'État, 24 nov. 2021, req. n°436071

Rien n’impose aux communes de recueillir l’ensemble des eaux de pluie transitant
sur leur territoire

Eau, VRD
Les requérants habitent un terrain traversé par un ruisseau et se plaignent de dommages récurrents causés lors de fortes pluies. Pour eux, ils résultent de l’écoulement accru sur leur terrain des eaux pluviales, dû à l’imperméabilisation des sols à cause d’un lotissement et à l’insuffisance et malfaçons du réseau public d’assainissement situé en amont. Ils demandent donc au juge de condamner la commune à leur verser des dommages et intérêts et à procéder aux travaux préconisés par l’expert.

Les articles L.2212-2 et L.2226-1 du Code général des collectivités territoriales confient au maire le soin d’assurer la sécurité et la salubrité publiques en prévenant notamment les inondations par des mesures appropriées et instituent un service public administratif de gestion des eaux pluviales urbaines dans les zones urbanisées et à urbaniser. Cependant, pour le Conseil d’Etat, ces dispositions n’ont ni pour objet ni ne sauraient avoir pour effet d’imposer aux communes et aux CdC compétentes la réalisation de réseaux d’évacuation pour absorber l’ensemble des eaux pluviales ruisselant sur leur territoire.

Ainsi, la Cour Administrative d’Appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose aux communes de recueillir l’ensemble des eaux de pluie transitant sur leur territoire. D’autre part, en déduisant également de ces dispositions que la commune n’avait commis aucune faute dès lors qu’il résultait des certificats délivrés par le préfet que la prescription tenant à la mise en place d’un réseau d’évacuation des eaux de pluie par des canalisations d’un diamètre de 400 mm à laquelle étaient subordonnées les autorisations de lotir en amont de la propriété des requérants avait été exécutée et alors qu’il n’était pas allégué que la mise en place d’autres équipements était nécessaire pour assurer la sécurité des personnes et des biens, la cour n’a pas plus commis d’erreur de droit.

Conseil d'État, 11 fév. 2022, req. n°449831

La cristallisation des règles d'urbanisme en lotissement prime sur le sursis à statuer

Lotissement, sursis à statuer
Dans cette décision, le Conseil d'État articule pour la première fois le mécanisme garantissant une cristallisation des règles d'urbanisme aux titulaires d'une autorisation de lotir avec les règles du sursis à statuer opposable aux demandes d'autorisation d'urbanisme qui seraient de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution d'un futur PLU.
Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une DP, le PC ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant 5 ans à compter de cette même date. Cette « clause de gel » qui existe également pour les permis d'aménager vise à garantir au lotisseur la stabilité du cadre réglementaire pour mener à bien son opération.
Le Conseil d'État en déduit que l'autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer sur une demande de PC présentée dans les 5 ans suivant une décision de non-opposition à la DéclarationPpréalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLU.
Dans le cadre d'une opération de lotissement, la commune ne peut donc pas anticiper l'effet que les règles du futur PLU auront sur le PC demandé, tant que la demande est couverte par le mécanisme de cristallisation.


Dans ce cadre précis, le sursis à statuer peut-il alors être opposé au stade d'une simple déclaration de division qui, en elle-même, ne compromet pas l'exécution du futur document ? C'est l'hypothèse que défend le rapporteur public Arnaud Skzryerbak pour parvenir à « un équilibre satisfaisant entre l'intérêt général qui s'attache à l'exécution du plan et la sécurité juridique attendue des lotisseurs ».
Celui-ci considère que c'est « au stade où l’administration se prononce sur le projet de lotissement qu’il lui faut apprécier le risque de compromission du futur PLU », en se fondant sur la jurisprudence Commune de Pia (CE, 24 févr. 2016, n° 383079). Cette dernière précise que :

  • les lotissements doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l’occupation des sols, même s’ils n’ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n’existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d’un lot d’une unité foncière ;
  • l’autorité compétente doit refuser le permis d’aménager ou s’opposer à la déclaration préalable, notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu’elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l’implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d’urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d’urbanisme requises.

Conseil d'etat, 31 janv. 2022, n° 449496

Littoral : le juge classe un hameau de 60 constructions en zone d’urbanisation diffuse

Loi littoral
Aux termes de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme, alors en vigueur : « L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. (…) ». Les constructions peuvent donc être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
L’exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d’occupation ou d’utilisation du sol, l’autorité administrative qui se prononce sur une demande d’autorisation d’urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d’assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l’accueil d’un hameau nouveau intégré à l’environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l’opération envisagée est réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Ici, le hameau où se trouve le terrain d’assiette du projet des requérants se situe à plus d’un kilomètre du centre-bourg de la commune, dont il est séparé par des espaces naturels et agricoles. En outre, le juge remarque que les constructions y sont implantées de manière peu dense, essentiellement le long des voies et sans aucune homogénéité. Il suit de là, et alors même qu’il compte une soixantaine de constructions, que le hameau constitue une zone d’urbanisation diffuse éloignée du centre-bourg et que l’extension de l’urbanisation ne peut y être autorisée. D’ailleurs, le SCoT ne l’identifie pas comme une agglomération ou un village au sens de l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme.

CAA de Nantes, 27 avr 2021, req. n°19NT03625

Remise en question des distances d’épandage et respect des modalités de concertation
avec les habitants

Santé, pollution
Les règles concernant l'usage de pesticides près des zones habitées viennent d'être précisées par deux textes publiés au Journal officiel du 26 janvier 2022. Ces textes font suite à une décision du Conseil d'État du 26 juillet 2021 qui avait partiellement annulé les textes réglementaires précédemment en vigueur.
Pour rappel, le Conseil constitutionnel avait rendu en mars 2021, une décision sur les règles d'épandage des pesticides. Ce jugement faisait suite à une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Conseil d'État.
Le Conseil constitutionnel avait en effet déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions du paragraphe III de l'article L.253-8 du Code rural et de la pêche maritime, permettant des dérogations aux distances minimales entre des cultures traitées par pesticides et des zones d'habitation, après concertation avec les habitants ou leurs représentants.
Selon le paragraphe III de l'article L.253-8 du Code rural et de la pêche maritime, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de zones d'habitation est en effet soumise à des mesures de protection des riverains.
Ces mesures sont formalisées par les utilisateurs dans une charte d'engagements à l'échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones qui pourraient être traitées.
Le Conseil constitutionnel avait contesté la méthode d'élaboration de ces chartes (en contradiction notamment avec l’article 7 de la Charte de l’Environnement) :

  • pas de définition claire des modalités dans lesquelles pouvait s’exercer le droit de participation du public dans l’élaboration des chartes,
  • seuls les représentants des habitants étaient invités à prendre part à la concertation.

Or, selon l'article 7 de la Charte de l'environnement :
« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. »
Le décret du 25 janvier 2022 sur l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation modifie les modalités d'élaboration et d'adoption des chartes départementales d'engagements.
Les organisations syndicales représentatives du secteur agricole au niveau départemental ou la chambre départementale d’agriculture proposent au préfet les projets de chartes d’engagement. Dans les 2 mois, le préfet donne un avis sur ces chartes. Si les mesures de protection sont jugées inadaptées aux usages, le préfet peut demander aux organisations de modifier le projet dans un délai de 2 mois (dans le cas de problème de santé publique, ce délai peut être réduit).
Si le préfet juge que les mesures prévues par une charte sont adaptées et conformes, il met en œuvre la consultation du public conformément à l'article L.123-19-1 du Code de l'environnement en vue de son adoption.

Concernant les distances minimales de sécurité à respecter en matière d'épandage, l’arrêté du 25 janvier 2022 ajoute, en plus des riverains, les lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière autour de ces zones de traitements.
Cet arrêté prévoit également la mise à jour des autorisations de mise sur le marché des produits comportant des substances classées suspectes d'être notamment cancérogènes), avec l'objectif que les distances de non-traitement soient fixées pour l'ensemble des produits d'ici le 1er octobre 2022. A ce sujet, l’Etat s’appuiera sur le dernier rapport de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) publié courant 2022.
N.B : Les distances de sécurité figurant le cas échéant dans les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévalent sur les distances de sécurité générales prévues par l’arrêté.

Cet arrêté prévoit enfin la réalisation d'un état des lieux destiné à identifier d'éventuelles pertes de production agricole et d'éventuels besoins d'indemnisation en faveur des agriculteurs.
Rappel :
Distances de sécurité prévues par l’arrêté du 27 décembre 2019 :
En dehors des produits exemptés, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques doit s’effectuer en respectant les distances de sécurité suivantes :

  • Lorsque le produit contient une substance préoccupante : 20 mètres incompressibles
  • pour les autres produits :

    10 mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 centimètres de hauteur, les bananiers et le houblon,
    5 mètres pour les autres cultures.

Décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022

 

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