veille juridique septembre 2022

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation.

 

 

 

Annulation du PLU : le Certificat d'Urbanisme opérationnel donne-t-il qualité pour former tierce opposition ?

Plan Local d’Urbanisme, Certificat d’Urbanisme
Le Certificat d'Urbanisme ne donne pas un droit à construire suffisamment caractérisé pour donner qualité à former tierce opposition contre l'annulation du PLU qui rend la parcelle en cause inconstructible.
Une commune adopte un PLU qui classe en zone constructible des parcelles précédemment situées en zone non constructible du POS. Un propriétaire dont la parcelle est devenue constructible obtient un Certificat d'Urbanisme (CU) opérationnel en vue de la construction d'une maison.

Le PLU est attaqué et le classement opéré annulé par le Tribunal Administratif. Le propriétaire souhaite alors, en formant tierce opposition, contester le jugement d'annulation qui rend sa parcelle à nouveau inconstructible. Mais le juge administratif ne lui reconnait pas la qualité pour le faire.

Aux termes de l'article 832-1 du Code de justice administrative, la tierce opposition est ouverte à toute personne lorsqu'une décision juridictionnelle préjudicie à ses droits, dès lors qu'elle n'est ni présente ni représentée ou régulièrement appelée dans l'instance ayant abouti à cette décision.

Mais pour le Conseil d'État, même s'il est titulaire d'un CU qui lui confère le droit, durant 18 mois, de voir sa demande de PC examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date du certificat, excepté celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, cela « ne lui donne pas un droit à construire suffisamment caractérisé pour le rendre recevable à former tierce opposition à une telle décision d'annulation ».
Une décision qui s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence établie par le Conseil d'État concernant les PC. En 2017, il avait déjà pu juger qu’un titulaire d'un PC délivré sur le fondement de dispositions annulées du PLU n'était pas recevable à former tierce opposition à la décision ayant fait droit, totalement ou partiellement, à une demande d'annulation du document d'urbanisme.

Conseil d'Etat 27 sept. 2022, n° 451013

Défaillance de l'entreprise et assurance Dommage Ouvrage (DO) : pas d'impasse sur la mise en demeure

Assurances, contrats
Le maître de l'ouvrage qui n'a pas donné mandat exprès à l'architecte de mettre en demeure l'entrepreneur défaillant avant résiliation du marché, ne peut prétendre à la garantie Dommage Ouvrage (DO).

En l’espèce, un maître d’ouvrage avait confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de la construction de logements et à un entrepreneur la réalisation des lots gros œuvre et chauffage-plomberie. En cours de chantier, il avait notifié à l’entrepreneur la résiliation du marché pour manquement à ses obligations contractuelles, avant que celui-ci ne soit mis en liquidation judiciaire.
Se plaignant de désordres et de trop-versés, le maître de l’ouvrage avait assigné en indemnisation de ses préjudices l’architecte et son assureur, ainsi que l’assureur Dommage Ouvrage. Sa demande contre ce dernier avait été rejetée à hauteur d’appel, au motif qu’il n’était pas justifié d’une mise en demeure émanant du maître de l’ouvrage et que, par suite, la garantie ne pouvait être due.

Dans son pourvoi en cassation, le maître de l’ouvrage avait fait valoir que l’article L. 242-1 du Code des assurances n’exigeait pas que la mise en demeure infructueuse émane du maître de l’ouvrage personnellement et que cette notification pouvait être effectuée par l’architecte chargé de suivre les travaux. En l’occurrence, le contrat de maîtrise d’œuvre stipulait que le maître de l’ouvrage s’interdisait de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises et que l’architecte avait notamment pour mission l’établissement et l’envoi des courriers de toute nature que réclamait sa mission afin d’assurer une qualité parfaite et le respect de son planning et le contrôle de l’avancement des travaux et des situations d’entreprise.

La Cour de cassation rejette le moyen invoqué comme non fondé. La haute juridiction précise que le mandataire, en l’espèce l’architecte, peut également réaliser cette formalité dès lors qu’il a reçu mandat exprès de réaliser cette mission. Elle estime qu’au regard de la clause du contrat de maîtrise d’œuvre, rédigée dans des termes généraux, cette condition n’était pas remplie.
Enfin, la Cour rejette également l’argument du maître d’ouvrage selon lequel la mise en demeure n’était pas requise en raison de la mise en liquidation de l’entreprise. En effet, le défaut de mise en demeure ne saurait être couvert par la résiliation postérieure du marché de travaux en raison de la cessation de l’activité ou de la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Cass. 3e civ., 7 sept. 2022, n° 21-21.382, n° 606 FS-B    

RNU : la covisibilité n'est pas réservée à la législation patrimoniale

Règlement National d’Urbanisme, patrimoine
La covisibilté avec un monument classé ou inscrit peut caractériser l'atteinte que porte un projet aux lieux environnants au sens de l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme, alors même que le projet se situe en dehors du périmètre de protection.

Le litige porte sur le refus du préfet de Côte d'or de délivrer une autorisation unique sollicitée afin d'exploiter un projet éolien. Pour justifier son refus, le préfet avait considéré que les cinq aérogénérateurs concernés portaient atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants au sens de l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme, notamment en ce qu'ils étaient visibles depuis deux châteaux inscrits au titre des monuments historiques, respectivement situés à 4 et 6 km.

Au contentieux, les juges de la Cour Administrative d'Appel de Lyon avaient annulé l'acte, estimant que le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être mobilisé pour caractériser une atteinte contraire à l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme, dans la mesure où le projet se situait en dehors du périmètre de protection des abords : l'admettre prolongerait, hors de son périmètre, la servitude d'utilité publique instituée par le code du patrimoine.
 En censurant ce raisonnement pour erreur de droit, le Conseil d'État clarifie l'articulation entre l'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme et la législation patrimoniale. Il précise que pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site et déterminer ainsi une éventuelle atteinte aux lieux avoisinants au sens de l'article R. 111-27, le service instructeur doit prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

La législation patrimoniale n'est donc pas la seule capable de faire obstacle à l'implantation d'une construction portant une atteinte visuelle à un monument protégé.

Conseil d'Etat 22 sept. 2022, n° 455658  

Les « dark stores » seront bien considérés comme des entrepôts

PLU, Permis de Construire
À l'issue d'une réunion organisée le 6 septembre avec les associations d'élus et les représentants des métropoles, le gouvernement a décidé de lever le flou juridique sur les « dark stores » en les considérant bien comme des entrepôts.

Les élus bataillaient depuis des mois dans ce sens. Un arrêté actant la décision devrait arriver dans les prochains jours. À charge ensuite aux mairies de décider de leur installation. La réunion s'inscrivait dans le cadre des consultations menées depuis le 6 juillet après les assises du commerce. Elle faisait suite à un courrier transmis le 19 août par une dizaine de maires de grandes villes à la Première ministre, demandant à disposer de moyens juridiques pour réguler ces « dark stores ». Mi-août, la mairie de Paris, principale ville concernée, avait dénoncé un projet d'arrêté ministériel qui aurait permis à ces lieux d'être considérés comme des lieux de commerce ou de restauration, pour peu qu'ils disposent d'un point de collecte pour le public.

« Les dark stores sont considérés comme des entrepôts, a insisté Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Peu importe s'il y a une possibilité de retrait sur place, ils restent des entrepôts. » Une fois la décision confirmée par les élus réunis le 6 septembre, l'arrêté mis à la concertation le 6 juillet sera modifié avec cette destination d'entrepôts pour les « dark stores ». Le tout dans un délai de quelques jours, a assuré Olivia Grégoire. « Ensuite, les maires lanceront des procédures de modification de leur PLU et ces nouvelles règles seront très claires, on saura dans quel quartier c'est autorisé et dans quel quartier ça ne l'est pas », a précisé Olivier Klein. Car la décision n'acte pas l'interdiction totale de ces entrepôts en ville. Elle va permettre aux communes de limiter, interdire ou fermer ces « dark stores ». « C'est la naissance d'un outil qui va permettre aux maires et collectivités qui le souhaitent de choisir, d'arbitrer », a souligné Olivia Grégoire.

Arrêté ministériel en cours de rédaction

L'intérêt à agir contre une autorisation d'urbanisme ne se perd pas

Autorisations d’urbanisme, recours
L'intérêt à agir contre un Permis de Construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, sauf circonstances particulières dont peut justifier le requérant.

Dans cette décision, le Conseil d'État précise que les circonstances postérieures à cette date ne doivent pas être prises en considération dans l'appréciation de l'intérêt à agir, et ce que ces circonstances « aient pour effet de créer, d'augmenter, de réduire ou de supprimer » les incidences du projet autorisé sur les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance dont se prévaut le requérant.
Il s’agissait ici de la prise en compte des projets de construction réalisés après la date d'affichage de la demande du pétitionnaire et qui changent la physionomie du secteur d'implantation. En l'espèce, un PC délivré pour la construction d'un restaurant de plage et d'un parc de stationnement semi-enterré était contesté par l'exploitant des résidences de standing situées à 50m du projet. Sa requête en référé-suspension avait été rejetée comme manifestement irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, compte tenu, notamment de la densification du secteur.
Cette densification tenait en l'occurrence à la construction, en cours à la date de l'ordonnance de référé, d'une résidence de tourisme de cinq logements adjacents au terrain d'assiette du projet attaqué et situé à deux parcelles du terrain de la société requérante.

Pour le Conseil d'État, il s’agit d'une erreur de droit dès lors qu'à la date d'affichage de la demande du permis contesté, cette résidence de tourisme n'avait pas été construite, la demande d'autorisation étant alors en cours d'instruction. Donc, oui la configuration des lieux et la densité du bâti peuvent être des éléments déterminants pour caractériser ou non l'intérêt à agir du requérant, mais seulement au moment de la cristallisation de l'intérêt à agir.

Conseil d'Etat, 21 sept. 2022, n° 461113

C’est à la commune d’entretenir les murs situés à l’aplomb d’une voie publique

Garanties, assurances
Dans cette affaire, les requérants sont propriétaires d’un immeuble situé sur une parcelle bornée par un haut mur soutenant les terres du jardin, en surplomb d’une rue. Invités par un courrier du maire à procéder à des travaux pour garantir la stabilité du mur, ils ont refusé au motif qu’ils n’en étaient pas propriétaires. Une partie du mur s’est par la suite écroulée sur la voie publique, et l’expert ayant conclu à l’existence d’un péril grave et imminent, le maire a pris un arrêté pour enjoindre aux propriétaires de prendre les mesures nécessaires afin de remédier à ce péril.
Lorsque le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité. Dans le cas où ces mesures ne sont pas exécutées dans le délai fixé, le maire les fait exécuter d’office en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leur frais.

Mais en l’absence de titre en attribuant la propriété aux propriétaires des parcelles en bordure desquelles il est édifié ou à des tiers, un mur situé à l’aplomb d’une voie publique et dont la présence évite la chute de matériaux qui pourraient provenir des fonds qui la surplombent doit être regardé comme un accessoire de la voie publique, même s’il a aussi pour fonction de maintenir les terres des parcelles qui la bordent.

Ici, l’acte de vente ne mentionne pas le mur et ne renvoie pas au précédent acte de vente, lequel ne mentionne pas non plus le mur en cause, mais en cite un très bref passage, mentionnant « les murs séparatifs mitoyens avec les propriétés contiguës ».
Si la commune se prévaut, en outre, du plan cadastral, un tel plan ne constitue pas un titre de propriété. Dès lors, aucun titre n’attribue la propriété de ce mur aux deux propriétaires. Il constitue alors un accessoire de la voie publique, intégré au domaine public de la commune.

Cours Adminsitrative d'Appel de Bordeaux, 24 mars 2022, req. n°21BX01717

 

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