Veille jurique février 2023

Chaque mois, le CAUE vous propose une veille juridique dans ses domaines de compétences, architecture, urbanisme et environnement. Elaborée par le juriste et l'ingénieure écologue du CAUE, elle donne une vision des dernières évolutions en matière de réglementation.

 

 

 

Le référé-liberté au secours des espèces protégées

Environnement, défrichement, lotissement
La reconnaissance du droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé en tant que liberté fondamentale a permis la suspension du défrichement de parcelles boisées.

Pour rappel, le 20 septembre dernier, le Conseil d’Etat avait jugé que le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de justice administrative.
Dès lors, les Tribunaux Administratifs (TA) et les requérants ont pu s’emparer de cette jurisprudence, comme cette ordonnance du 10 novembre du TA de Pau.

Dans cette commune littorale, un projet d’aménagement qui s’étend sur presque 10 ha de parcelles boisées a fait l’objet d’un recours lié à l’extension d’un lotissement sur deux parcelles boisées, qu’il allait bien falloir défricher. L’association requérante demande à la préfète de suspendre ces travaux de défrichement, car ils porteraient une atteinte manifestement grave et illégale aux espèces protégées présentes sur le site.
Pour être admis au référé-liberté, le requérant doit en effet démontrer qu’il est porté une atteinte grave et manifestement illégale, du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, à sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou même des intérêts qu’il entend défendre. Il doit également démontrer pourquoi il est urgent que le juge intervienne.

L’association requérante s’est donnée pour mission principale la défense des droits de l’homme à un environnement sain et, notamment, la sauve­garde de la faune, de la flore et du milieu dont elles dépendent. En ce qui concerne l’urgence, elle fait valoir que cette opération de défrichement, qui porte une atteinte grave et irréversible aux espèces protégées et à la destruction de l’habitat d’intérêt communautaire, porte sur une surface tellement réduite qu’elle pourrait être réalisée en une journée seulement. Le juge a donc décidé de suspendre l’exécution de l’arrêté ordonnant le défrichement, dans l’attente de la décision des services de l’Etat du département sur la nécessité, pour le pétitionnaire, de déposer une demande de dérogation aux espèces protégées.

Si le pétitionnaire n’est pas tenu de déposer une telle demande, l’arrêté pourra s’appliquer.

TA de Pau, ord, 10 nov 2022, n°2202449

Littoral : le juge autorise une centrale solaire en continuité d’une zone industrielle

Littoral, photovoltaïque
Dans cette commune littorale, une association de protection de l’environnement demande au juge d’annuler l’arrêté par lequel un préfet a délivré un PC en vue de l’édification d’un parc photovoltaïque.

Pour rappel, les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
Le Conseil d’Etat rajoute que l’implantation de panneaux photovoltaïques, qui doit être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, ne peut être autorisée que si elle est située en continuité avec une agglomération ou un village existant.

Ici, le terrain d’assiette du projet litigieux est situé en continuité avec une vaste zone industrielle de plus de cent hectares, dont 50 ha sont occupés par une usine de conversion et de purification du minerai d’uranium, avec 24 ha de surface bâtie comportant plusieurs bâtiments, et une dizaine de bassins de décantation et d’évaporation. Cette usine est elle-même implantée en continuité avec un hameau, où sont implantés une station d’épuration, un parc photovoltaïque et un poste électrique.
Dès lors, le préfet n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme en délivrant le PC sollicité : cette zone constituait bien une zone déjà urbanisée, caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions.

CE, 17 février 2023, req. n°452346     

Le PLU peut-il réglementer les dimensions des places de stationnement ?

PLU, stationnement
Le PLU peut réglementer le nombre de places, le type de revêtements et le type de places de stationnement, mais pas leurs dimensions.

Le règlement ou les Orientations d'Aménagement et de Programmation (OAP) du PLU peuvent prévoir des dispositions portant sur le nombre maximal de places de stationnement à réaliser par logement. Ils peuvent également spécifier les types de revêtements à utiliser, le type de place en fonction des caractéristiques du véhicule (motorisé, vélo, autopartage, etc.).
En revanche, le dimensionnement des places de stationnement ne relève pas du PLU.
Les acteurs peuvent s'appuyer sur les normes suivantes : la norme NF P91-100 pour les parkings accessibles au public et la norme NF P91-120 pour les parcs de stationnements privés. Elles prévoient de nombreux cas de dimensionnement selon la disposition des places (en bataille, en épi, motos, etc.). Par exemple, les dimensions minimales d'une place de parking en bataille sont de 5 m de longueur et 2,30 m de largeur.
En outre, la réglementation relative à l'accessibilité, notamment l'article 3 de l'arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction, prévoit que les parkings des logements doivent comporter 2% de places de stationnement adaptés. Ces places de stationnement doivent être horizontales au dévers près, inférieur ou égal à 2% et doivent être d'une largeur minimale de 3,30 m. Le mètre supplémentaire permet à une personne utilisant un fauteuil roulant de pouvoir sortir du véhicule.

Rép. Min. n° 3757 : JO Sénat Q, 9 fév. 2023, p.1034

Quelles sont les règles relatives à l’implantation des crématoriums ?

Contentieux, lotissement, permis de construire
Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales et de la ruralité : En vertu de l’article L. 2223-40 du Code général des collectivités territoriales, la création des crématoriums relève de l’initiative des communes ou des EPCI compétents. Cette opération est préalablement autorisée le représentant de l’État dans le département où est implanté le crématorium, après avis de la commission départementale de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
La délivrance de cette autorisation est subordonnée à la réalisation d’une étude d’impact environnemental, définie par les dispositions des articles L. 122-1 et suivants et R. 122-2 du Code de l’environnement, ainsi qu’à une enquête publique.

Un crématorium n’ayant pas le statut d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), aucune distance particulière vis-à-vis des habitations n’est prescrite par le droit en vigueur, mais cet aspect est nécessairement pris en compte lors de la réalisation de l’enquête publique.
La conception du crématorium doit également être conforme à l’arrêté du 28 janvier 2010 relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère, qui détermine les seuils à respecter pour ces émissions et garantit ainsi les droits des riverains.
Par ailleurs, les dispositions de l’article D. 2223-109 et suivants du CGCT, relatives aux prescriptions applicables aux crématoriums ainsi qu’aux visites de conformité, sont de nature à garantir un cadre juridique suffisamment précis de la genèse du projet de création jusqu’à l’exploitation du crématorium.

Question écrite de Jean-Philippe Tanguy, n°4043, JO de l'AN du 24 janv

Le stationnement d’une caravane en zone agricole ne relève pas du règlement du PLU

PLU, zone agricole, règlement
La requérante, propriétaire d’une parcelle, a informé le maire de sa commune de l’installation de caravanes sur une parcelle voisine de la sienne. Elle a ensuite mis en demeure le maire de dresser procès-verbal des infractions constituées par l’édification, sans autorisation et en violation des dispositions du PLU, d’un bloc sanitaire et par le stationnement, sans autorisation, de caravanes pendant plus de trois mois dans l’année sur cette parcelle. Elle a également informé la préfète de sa démarche par un courrier du même jour. Elle relève appel du jugement par lequel le TA a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions implicites de rejet qui seraient nées du silence gardé par ces autorités à ces courriers.

D’après l’article R. 421-23 du Code de l’urbanisme, l’installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d’une caravane doit être précédée d’une DP.
Or, le juge relève que la requérante n’établit pas davantage en appel qu’en première instance la présence de caravanes sur le terrain en question sur une période supérieure à trois mois en méconnaissance des dispositions de cet article.
De plus, elle soutient en appel que la présence de caravanes sur un terrain situé en zone agricole est interdite par les articles A1 et A2 du règlement du PLU de la commune.
Cependant, la circonstance que le terrain concerné soit classé en zone agricole, zone dans laquelle les constructions et installations ne sont pas, en principe, autorisées, sauf exceptions prévus à l’article A2 du règlement du PLU, ne peut être utilement opposée : le stationnement de caravane ne constitue pas « une construction ou une installation ». Sa requête est rejetée.

CAA de Lyon, 29 sept. 2022, req. n°21LY02408

Arrêté interruptif de travaux : l’information peut être fournie à l’oral

Infraction, PLU, contentieux
Dans cette affaire, le requérant a demandé au TA d’annuler l’arrêté par lequel la maire a ordonné, au nom de l’État, l’interruption immédiate de travaux.

Le juge rappelle que l’interruption des travaux prévue par l’article L. 480-2 du Code de l’urbanisme est au nombre des mesures de police qui, conformément à l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration, ne peuvent intervenir qu’après que son destinataire a été mis à même de présenter ses observations, sauf en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles.
Ici, le requérant a été reçu dans les locaux du service de l’urbanisme de la mairie et informé des infractions qui lui étaient reprochées ainsi que de la préparation d’un arrêté interruptif de travaux.
Le juge souligne que la circonstance que cette information ait été délivrée à l’intéressé oralement est sans incidence sur la régularité de la procédure contradictoire : aucun texte n’impose qu’elle prenne la forme d’un courrier avec accusé de réception, contrairement à ce que soutient le requérant.

L’arrêté litigieux est intervenu onze jours après cet entretien : il a disposé d’un délai suffisant pour présenter ses observations écrites sur la mesure envisagée, sans que les requérants puissent utilement se prévaloir de l’absence d’indication d’un délai de réponse. De plus, l’entretien doit être regardé comme ayant permis à l’intéressé de présenter ses observations orales, conformément aux exigences de l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration.
Le moyen tiré de l’absence de procédure contradictoire doit donc être écarté.

CAA de Bordeaux, 20 oct 2022, req. n°20BX04097

Le juge face à une conseillère intéressée par le classement de son camping dans le PLU

PLU, urbanisme
Dans cette commune, plusieurs résidents ont demandé au juge d’annuler le PLU, notamment sur un vice de la légalité externe, les requérants faisaient valoir qu’une conseillère municipale était intéressée.
Ils soutiennent que la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération d’un conseiller municipal intéressé à l’affaire qui fait l’objet de cette délibération est de nature à entraîner l’illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d’exercer une influence sur la délibération.
Cependant, s’agissant d’une délibération déterminant des prévisions et règles d’urbanisme applicables dans l’ensemble d’une commune, le juge souligne que la circonstance qu’un conseiller municipal intéressé au classement d’une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n’est de nature à entraîner son illégalité que s’il ressort des pièces du dossier que, du fait de l’influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

Est-ce le cas ici ?
La conseillère en question est la propriétaire de l’un des deux campings existants sur la commune. Elle a participé tant aux travaux préparatoires de la commission d’urbanisme, dont elle est membre, avant l’adoption de la délibération qui a approuvé le PLU, qu’au vote de celle-ci. Le PLU approuvé a confirmé l’inclusion de ce camping, déjà prévue par le plan arrêté, dans un secteur de taille et de capacité d’accueil limités (STECAL) Nt dans lequel sont admis les aménagements de terrains permettant l’installation de campings et de caravaning ainsi que les constructions et installations nécessaires au fonctionnement de ces activités, sans porter atteinte au caractère naturel de la zone.

Pour le juge, eu égard au faible nombre de parcelles couvertes par le STECAL confirmé par le PLU approuvé, la conseillère doit être regardée comme conseiller intéressé. Mais la délibération n’a pas pris en compte son intérêt personnel eu égard aux motifs d’ordre urbanistique qui ont justifié l’approbation du PLU.
Le juge annule tout de même la délibération approuvant le PLU parce qu’il classe en zone agricole un hameau et une parcelle en particulier.

CAA de Marseille, 27 oct 2022, req. n°21MA01696

 

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