Veille juridique août 2019

Chaque mois, notre juriste-conseiller réalise une veille juridique sur les modifications des lois impactant nos domaines de compétences (urbanisme, architecture, environnement, habitat, etc.).

 
 
 

Le rétablissement des critères alternatifs pour définir les zones humides

La loi portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations de chasseurs et renforçant la police de l’environnement a été promulguée le 24 juillet 2019.
Elle renforce la protection des zones humides en modifiant la définition de ces zones, telle que posée au 1° du I de l’article L.211-1 du Code de l’environnement. Celui-ci était en effet, jusqu’à présent, libellé de la façon suivante : « On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ; ».
L’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition des zones humides affirmait le caractère alternatif des critères deux critères précités.
Cependant, par son arrêt du 22 février 2017, le Conseil d’Etat a considéré que l’article L.211-1 précité devrait être lu comme caractérisant une zone humide, lorsque de la végétation y existe, « que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ».
Le Conseil d’Etat exige donc le cumul des deux critères susmentionnés, relatifs à l’inondation de la zone et à la présence de végétation. Et, ce faisant, il restreint d’autant la possibilité de classement en zone humide et la protection de ces espaces par le régime de protection associé.

Revenant sur cette décision, la loi a rétabli le caractère alternatif des critères. Le 1° du I de l’article L.211-1 du Code de l’environnement est désormais rédigé en ces termes :
« On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

Cf. LOI n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

Précisions  sur  l’installation  d’un  équipement  compatible  avec l’exercice d’une activité agricole

Une société s’est vue refuser un Permis de Construire en zone agricole d’une commune, par le préfet d’Eure-et-Loir, au motif que le projet était incompatible avec une activité agricole au sens de l’article L.123-1 du Code de l’urbanisme, l’activité apicole envisagée n’étant pas de nature à compenser la réduction des espaces agricoles entraînée par le projet.
Un parc photovoltaïque entre effectivement dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics ». Mais l’implantation d’un tel équipement en zone agricole est conditionnée à la possibilité d’exercer des activités agricoles, pastorales ou forestières sur le terrain où elles doivent être implantées et à l’absence d’atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.
Pour déterminer si l’installation concernée répond bien à cette condition, le juge rappelle que l’administration doit apprécier si le projet permet l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d’implantation du projet, mais au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du Plan Local d’Urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s’y développer, en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l’emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux.
La circonstance que le projet d’installation de panneaux photovoltaïques au sol prévoit la création d’une jachère mellifère destinée à l’apiculture ne permet pas de remplir cette condition. En effet, le projet contesté entraîne la réduction de 26,6 hectares de surface agricole effectivement consacrée à la culture céréalière sur une surface totale de 73 hectares et ne permet pas le maintien d’une activité agricole significative sur le terrain d’implantation envisagé par le projet d’équipement collectif. Enfin, la jachère ne peut être regardée comme correspondant aux activités ayant vocation à se développer dans la zone considérée.

Cf. Conseil d'Etat, 31 juillet 2019, req. n° 418739

L'installateur d'insert rattrapé par la décennale

L'installation d'un insert sur existant relève de la garantie décennale lorsque la défectuosité de cet élément d'équipement est à l'origine d'un incendie ayant détruit intégralement une maison d'habitation.
Dans cette affaire, l’installateur d’un insert avait vu sa responsabilité décennale mise en cause à la suite d’un incendie ayant entièrement détruit la maison où il avait réalisé les travaux. A hauteur d’appel, cette action avait été rejetée au motif que l’installateur n’avait pas exécuté « un ouvrage faisant corps avec la construction et ne pouvant en être dissocié ». L’arrêt est cassé pour violation de l’article 1792 du Code civil. En effet, comme le rappelle la Cour de cassation, il importait peu que l’insert eût été dissociable ou non de l’ouvrage, d’origine ou installé sur l’existant, dès lors que le désordre affectant l’insert avait causé un incendie ayant intégralement détruit la maison, l’article 1792 était applicable.

Cf. Cass. 3e civ., 7 mars 2019, n° 18-11.741

Quand l'impartialité du commissaire-enquêteur est mise en doute

Le manquement du commissaire-enquêteur à son devoir de réserve en début d'enquête peut entacher ses conclusions d'un parti pris initial de nature à vicier la procédure et à entraîner l'annulation de la Déclaration d'Utilité Publique (DUP).
En l'espèce, le lendemain de l'ouverture de l'enquête publique, un commissaire-enquêteur avait répondu dans un journal local à la question d'un journaliste sur la viabilité du projet d'expropriation en déclarant que, juridiquement, il ne voyait pas d'anomalies à son utilité publique et qu’à moins, de découvrir une énormité, il pensait que le projet irait à terme. Compte-tenu de la nature, de la publicité et du stade de la procédure à laquelle ils étaient intervenus, ces propos ont été analysés comme un parti pris initial favorable au projet, le commissaire-enquêteur ayant clairement suggéré que son avis serait favorable sauf « énormité ». Le juge a considéré que ces propos avaient entaché la procédure d'un vice ayant privé le public d'une garantie, et ce même si les conclusions rendues ultérieurement par le commissaire-enquêteur avaient été complètes et motivées. Pour ce motif, il a prononcé l’annulation de la DUP.

Cf. CAA Marseille, 5e ch., 8 juill. 2019

Précisions sur la prescription administrative des constructions irrégulières

La prescription prévue à l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme est-elle applicable à des travaux ayant fait l’objet, il y a plus de 10 ans, d’un procès-verbal d’urbanisme et d’un jugement condamnant à la démolition ?
Cet article prévoit que lorsqu’une construction est achevée depuis plus de 10 ans, le refus de Permis de Construire ou la décision d’opposition à Déclaration Préalable ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme, sous réserve de certaines exceptions. C’est ainsi que les travaux les concernant, même s’il s’agit d’évolutions mineures, et sauf s’ils sont dissociables de la construction initiale, doivent faire l’objet d’une autorisation de régularisation portant sur l’ensemble de la construction.
Le Conseil d’État considère que la régularisation est possible même pour une construction dont la démolition a été ordonnée par un jugement définitif. Il appartient alors à l’autorité compétente d’apprécier l’opportunité de délivrer un permis de régularisation, compte tenu de la nature et de la gravité de l’infraction relevée par le juge pénal, des caractéristiques du projet et des règles d’urbanisme applicables. Toutefois, la Cour de cassation considère que l’autorisation de régularisation ne fait pas disparaître l’infraction pénale éventuellement constatée en ce qui concerne la construction initiale. L’auteur de l’infraction bénéficiant d’une autorisation de régularisation peut alors être condamné au paiement d’une amende ou d’une peine de prison, mais le prononcé ou l’exécution de mesures de mise en conformité ou de démolition est impossible. En présence d’une autorisation de régularisation, il n’y a plus de situation illicite, le juge pénal ne pouvant alors prononcer la démolition.

Cf. Réponse ministérielle n° 18027 ; J.O. A.N. 9 juillet 2019

Le sursis à statuer, plus qu’une option pour le maire

La décision de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme prise, lorsque la révision d'un Plan Local d'Urbanisme (PLU) a été prescrite, ne peut intervenir que si le débat sur les orientations générales du Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD) a eu lieu.
En l’espèce, le conseil communautaire a tiré le bilan de concertation préalable à l'arrêt du projet du Plan Local d'Urbanisme intercommunal (PLUi) concernant la commune de Vertaizon et a débattu des orientations générales d'urbanisme et d'aménagement du PADD, au nombre desquelles figurait l'objectif de la maîtrise « de la consommation foncière en privilégiant l'urbanisation au sein de l'enveloppe foncière urbaine existante », notamment « au sein des dents creuses » et de préserver les activités agricoles.
Il ressort des documents cartographiques, joints au PADD, que les parcelles des requérants sont incluses dans une zone agricole Ac, dont la constructibilité est limitée aux constructions destinées à l'exploitation agricole. Le projet d'aménagement sur cette parcelle qui comporte sept lots destinés à l'habitation individuelle pour un total de 1 575 m² de surface de plancher est donc de nature à compromettre l'exécution du futur PLU.
Le maire devait donc utiliser le sursis à statuer dans ce cas de figure, il ne s’agissait pas d’une option. Il résulte de ce qui précède qu'en s'abstenant de surseoir à statuer sur la demande de permis d'aménager, le maire de la commune de Vertaizon a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Cf. CAA Lyon, 13 juin 2019, N° 18LY02937

  

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