Veille juridique

Spéciale Zan novembre 2023

Décryptage de la Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023

Décryptage de la Loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux et des trois décrets d’application du 27 novembre 2023 (n°2023-1096/1097/1098)

Rappel des objectifs de la Loi « Climat et Résilience »

  • Atteindre le Zan (Zéro artificialisation nette) d’ici 2050 en 3 étapes : 2021-2031, 2031-2040 et 2040-2050.
  • Réduire de 50%, sur 10 ans d’ici 2031, la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
  • Selon des trajectoires fixées dans les schémas régionaux d’aménagement et territorialisées dans les SCoT et PLU.
  • Ajout d’un 6° bis à l’article L. 101-2 dédié à la lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme : « Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 6° bis La lutte contre l'artificialisation des sols, avec un objectif d'absence d'artificialisation nette à terme ; »
  • Nouvel article L.101-2-1 qui décline le contenu de l’objectif du 6° bis du L. 101-2 et définit : l’artificialisation comme « l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.» La renaturation/désartificialisation comme « des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. » L’artificialisation nette correspondant ainsi au « solde de l'artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnée. »

Les apports de la Loi du 20 juillet 2023

1 / Report d’échéances d’adaptation des documents de planification

Initialement fixé par la Loi « Climat et Résilience », puis repoussé une première fois par la loi 3DS, le calendrier d’adaptation des documents d’urbanisme était fixé de la manière suivante : pour les schémas régionaux, 30 mois à compter de la promulgation de la loi Climat (février 2024) ; pour les SCoT, 5 ans à compter de la même date (août 2026) ; pour les PLU, 6 ans à compter de la même date (août 2027).

La Loi du 20 juillet 2023 vient à nouveau proroger ces échéances, avec un calendrier désormais fixé comme suit :

  • Pour les schémas régionaux : 39 mois, soit le 22 novembre 2024.
  • Pour les SCOT : 5 ans et 6 mois, soit le 22 février 2027.
  • Pour les PLU : 6 ans et 6 mois, soit le 22 février 2028.

Attention ! En cas de non-respect de l'échéance pour l'évolution des PLU et des cartes communales, plus aucune autorisation d’urbanisme ne pourra être délivrée dans une zone AU du PLU ou dans les secteurs de la carte communale où les constructions sont autorisées, jusqu’à l’entrée en vigueur du document modifié ou révisé.

2 / De nouveaux outils pour faciliter la transition vers le Zan

  • Le droit de préemption

Des compléments sont apportés à l’article L 300-1 du Code de l’urbanisme (auquel renvoie l’article L. 210-1 sur le fondement du droit de préemption) relatifs aux actions et opérations d’aménagement justifiant le recours au droit de préemption : recyclage foncier, restauration du patrimoine bâti ou non bâti (outre sa sauvegarde et sa mise en valeur), renaturation ou désartificialisation des sols.
La renaturation et la désartificialisation sont désormais introduites comme motifs de préemption.

Concernant le recours au Droit de Préemption Urbain (DPU), un nouvel article L. 211-1-1 est ajouté dans le Code de l’urbanisme : possibilité de délimiter, par délibération motivée, au sein du PLU, du document en tenant lieu ou d’une carte communale, des secteurs prioritaires à mobiliser présentant un potentiel foncier majeur pour favoriser l’atteinte des objectifs ZAN.
C’est le droit commun du droit de préemption qui s’applique : articles L.210-1 et L.213-1 à L.213-18 du Code de l’urbanisme.

Ces « secteurs prioritaires » pourront couvrir en particulier :
- des terrains contribuant à la préservation ou à la restauration de la nature en ville, notamment des surfaces végétalisées ou naturelles au sein d’espaces urbanisés ;
- des zones à fort potentiel de renaturation, en particulier dans le cadre de la préservation ou de la restauration des continuités écologiques, et pouvant constituer des zones préférentielles de renaturation identifiées dans le SCoT ;
- des terrains susceptibles de contribuer au renouvellement urbain, à l’optimisation de la densité d’espaces urbanisés ou à la réhabilitation des friches.

  • Le sursis à statuer

Il sera désormais possible de mettre en œuvre la procédure de sursis à statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme entraînant une consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pouvant compromettre l’atteinte des objectifs de réduction de consommation de ces espaces susceptibles d’être fixés par le document d’urbanisme en cours d’élaboration ou de modification pour la tranche 2021-2031.
Ce sursis à statuer devra être motivé soit au regard de l’ampleur de la consommation d’ENAF du projet, soit au regard de la faiblesse des capacités résiduelles de consommation au regard des objectifs à fixer par le document d’urbanisme en cours d’élaboration ou d’adaptation.
Il est important de souligner deux différences notables par rapport au sursis à statuer « classique ».
D’une part, il sera possible de recourir à ce sursis à statuer « Zan » lors d’une procédure de modification du document d’urbanisme, alors que seules une élaboration ou révision peuvent justifier un sursis à statuer de droit commun.
D’autre part, le texte n’exige pas que le document d’urbanisme en cours d’élaboration ou de modification ait atteint un stade précis d’avancement. Ainsi, le sursis à statuer « Zan » est susceptible d’être opposé par l’autorité compétente en matière d’urbanisme dès la prescription de l’élaboration ou de la modification du document. C’est une différence notable par rapport au sursis à statuer classique qui ne peut lui être opposé avant le débat sur les orientations générales du PADD.

À l’instar du sursis à statuer de droit commun, le propriétaire du terrain à qui a été opposé le sursis à statuer « Zan » peut mettre en demeure la collectivité de procéder à l'acquisition de son terrain dans les conditions et le délai mentionnés aux articles L. 230-1 à L. 230-6 du Code de l'urbanisme. C’est la procédure de droit de délaissement.
En revanche, il ne sera pas possible de sursoir à statuer en cas de compensation de la consommation d’ENAF par renaturation d’une surface au moins équivalente à l’emprise du projet.
De plus, dès l’approbation du nouveau document d’urbanisme, le sursis à statuer cessera de produire ses effets, il ne pourra plus ni être prorogé ni être utilisé.

  • La garantie rurale

L’objectif de cette garantie rurale est de permettre aux communes ayant consommé peu de foncier de conserver un potentiel de développement minimal de 1 hectare sur leur territoire pour la première période de 2021 à 2031.
Ce droit sera ouvert aux communes couvertes par un PLU, un document en tenant lieu ou une carte communale, prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026, c’est-à-dire pour celles s’étant engagées dans un processus de planification à cette date.

Il sera possible de mutualiser cette garantie à l’échelle intercommunale sur simple demande du maire. Pour ce faire, il faudra recueillir l’avis préalable de la conférence des maires ou à défaut du bureau de l’EPCI concerné si l’ensemble des maires des communes membres en font partie.
Un dispositif spécifique pour les communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2011 permettra une majoration de 0,5 hectare pour chaque commune, avec un plafonnement à 2 hectares.

Il est important de préciser que cette surface minimale ne libère pas les communes soumises au Règlement National d’Urbanisme (RNU) du respect de ce dernier, la garantie rurale ne pouvant ainsi être opposée à la mise en œuvre du principe de constructibilité limitée.

 Les apports des trois décrets d’application du 27 novembre 2023

Le 4 octobre dernier, le Conseil d’État est venu censurer une partie du décret du 22 avril 2022 concernant la nomenclature des sols artificialisés (arrêt n°465341).
Il était indiqué dans le décret : « L'occupation effective est mesurée à l'échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme selon les standards du Conseil national de l'information géolocalisée. »

Mais le Conseil d’État a considéré qu’« en se référant à la simple notion de « polygone », et en renvoyant, pour la définition de la surface de ces derniers, à un arrêté du ministre chargé de l’urbanisme et aux standards du Conseil national de l’information géographique, lesquels ne font pas l’objet d’une définition par décret en Conseil d’Etat, les auteurs du décret attaqué ne peuvent être regardés comme ayant établi, …l'échelle à laquelle l'artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d'urbanisme. »

Un nouveau décret était donc nécessaire pour clarifier cela. C’est le décret n°2023-1096 du 29 novembre dernier qui s’en charge.

Sont désormais comptabilisées au sein des surfaces artificialisées :

  • surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations). Seuil de référence supérieur ou égal à 50 m² d’emprise au sol. Pour les catégories suivantes (2° à 10°), seuil de référence supérieur ou égal à 2 500 m² d’emprise au sol ou de terrain,
  • surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles),
  • surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux ou dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux),
  • surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures (si largeur sup ou égale à 5 m), notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée ; une surface végétalisée est qualifiée d’herbacée dès lors que moins de 25 % du couvert végétal est arboré,
  • surfaces entrant dans les catégories 1° à 4°, en chantier ou en état d’abandon.

À l’inverse, sont considérées comme surfaces non artificialisées :
-    surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d’activités extractives de matériaux en exploitation-carrières), soit couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace,
-    surfaces à usage de cultures dont les sols sont soit arables ou végétalisés (agriculture), y compris si ces surfaces sont en friche, soit recouverts d’eau (pêche, aquaculture, saliculture),
-    surfaces dont les sols sont végétalisés et à usage sylvicole,
-    surfaces dont les sols sont végétalisés et constituant un habitat naturel,
-    surfaces dont les sols sont végétalisés et qui n’entrent pas dans les catégories précédentes.

Le décret ajoute également comme surfaces non artificialisées :

  • les surfaces à usage de culture agricole arables ou végétalisées, y compris en friche ou situées dans l’espace urbain (agriculture urbaine),
  • distinction entre l’agriculture et la sylviculture (exploitation des forêts), les surfaces sylvicoles végétalisées sont non artificialisées,
  • les surfaces végétalisées à usage de parc ou de jardin public, que leur couverture soit végétalisée ou boisée (pour favoriser la nature en ville),
  • les surfaces boisées et arbustives dans l’espace urbain,
  • les surfaces accueillant des panneaux photovoltaïques si ceux-ci remplissent des conditions techniques, permettant de ne pas compromettre les fonctions écologiques du sol ou son potentiel agronomique.

Zoom sur la territorialisation des objectifs régionaux
Malgré la validation par le Conseil d’État de la fixation à titre obligatoire par le SRADDET d’une territorialisation régionale, le décret n°2023-1097 a préféré accorder à la région un rôle pédagogique et qualitatif.
Afin de ne pas contraindre de façon excessive les documents infrarégionaux, il n’est plus imposé la fixation obligatoire par la région d’une cible chiffrée d’artificialisation dans les règles générales du SRADDET.

Ainsi, toute règle prise pour contribuer à atteindre les objectifs pourra être déclinée entre les différentes parties du territoire régional identifiées par la région en tenant compte des périmètres des SCoT, lesquels seront ensuite ventilés dans les PLU.
La territorialisation dans le SRADDET devient facultative.

- Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols

- Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols

- Décret n° 2023-1098 du 27 novembre 2023 relatif à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols

- Arrêt du Conseil d’Etat n°465341 du 4 octobre 2023
 

 

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